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que d’admirables : et les officiers de carrière, et les officiers de réserve, professeurs, médecins, hommes d’affaires, commerçans ou agriculteurs, élite de chaque profession ; et les petits jeunes qui n’avaient pas achevé leur école militaire, et les anciens, qui avaient démissionné pour motifs divers, mais ont repris du service dès l’appel aux armes. Ils attendent, tous, avec impatience, le moment de reprendre leur commandement, et, à la lettre, le temps leur dure, l’inquiétude les tient de leurs compagnies ou de leurs bataillons, on peut dire, et très justement, de leur famille guerrière. Ce n’est pas qu’ils aiment brutalement les coups pour les coups ; mais ils ont pleine conscience de la cause qu’ils servent et elle les brûle d’enthousiasme. Ils savent qu’ils ne se battent point seulement pour la sauvegarde légitime d’intérêts matériels, mais pour l’indépendance de leur propre pays et de l’Europe entière, pour garder à leurs fils et au genre humain une forme supérieure de vie, pour briser la domination d’une bande d’assassins, d’incendiaires et de pillards, qui croient leurs crimes excusables parce qu’ils les commettent sans remords, et qui, bien plus, éprouvent un horrible orgueil de ce que personne avant eux n’avait perpétré de si grands forfaits, ni avec tant de science. Reims, Louvain, Senlis, Arras, Ypres, la Belgique, autant de noms qui suffisent à leur gloire honteuse, mais entretiennent heureusement chez les nôtres, et surtout chez nos officiers, la conscience claire, l’enthousiasme sacré, d’une mission justicière et réparatrice.


26 novembre.

J’ai pu accompagner aujourd’hui l’une de nos voitures d’ambulances à la gare d’évacuation d’Aubervilliers-la Courneuve, d’où nous parviennent maintenant la plupart de nos blessés. Nous arrivons à deux heures. Personne ne sait quand pourra venir un train sanitaire, ni même si l’on en verra avant le milieu de la nuit. Je me résigne à attendre, s’il le faut, jusqu’à dix heures du soir.

Je n’aperçois, d’abord, qu’une immense gare de marchandises en apparence vide et presque morte : quelques trains au repos, des baraquemens fermes, des soldats de tous uniformes errant çà et là, ou de planton devant une barrière que nul ne songe à ouvrir.

Que faire, toute une demi-journée, en ce désert banal et froid ?