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Les deux chauffeurs américains, mes compagnons de route (ou plutôt je crois que l’un est chauffeur, l’autre brancardier), m’ont indiqué comme refuge un compartiment de seconde classe qui est affecté au personnel de notre ambulance, et, ce qui importe davantage, ils m’ont promis de ne pas repartir sans moi. Ils m’ont présenté, de plus, au chef de gare militarisé, ou mieux au militaire chef-de-garisé, qui m’a fait l’éloge de notre ambulance et m’a donné toute latitude : « Vous êtes ici chez vous. » Charmant accueil sans doute. Mais comment en user ?

Si je pouvais trouver l’infirmier qui est venu, de cette gare, nous faire visite la semaine dernière, je serais sauvé ; seulement, j’ignore même son nom. Je sais qu’il est prêtre ; mais prêtre-soldat n’est plus une caractéristique suffisante et j’ai ici, paraît-il, sous l’uniforme, trois ou quatre confrères. Enfin, je me débrouille et, de quai en quai, de salle en salle, de factionnaire en dame de la Croix-Rouge, de religieuse en militaire, j’arrive au guide espéré.

Nous nous promenons partout ensemble et j’admire l’accueil que chacun lui fait. En dépit de la capote et du pantalon rouge, en dépit de sa fière moustache et de son bonnet de police, civils et soldats lui donnent du Monsieur l’abbé plus sympathiquement, je le présume, que ses paroissiens d’Indre-et-Loire. C’est le vrai aumônier de la gare ; et, quand arrive le train de blessés, ses deux fonctions de prêtre et d’infirmier en chef se confondent ou plutôt se complètent admirablement. Tandis que nous faisons les cent pas dans la cour, un soldat s’approche et lui remet un petit flacon : « Les saintes huiles pour l’Extrême-Onction, m’explique-t-il. Quand je m’absente, je les confie toujours à un autre prêtre. » Bientôt il me laissera, pour donner le salut et un petit sermon dans l’église de la Courneuve à la place du curé absent.

Les installations qu’il me montre avant de s’en aller sont des plus sommaires, mais de grande utilité. Deux cantines s’occupent du ravitaillement des trains, distribuent aux blessés la nourriture et parfois les vêtemens dont ils ont besoin : l’une, la plus ancienne, est dirigée par la Société de secours aux blessés avec le concours des Sœurs de saint Vincent de Paul ; l’autre, appelée Cantine de la Presse, est dirigée par Mme Berthoulat. Une ambulance de la Croix-Rouge, où se dévouent des femmes de haute distinction, se lient prête, également, pour tous