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où la justice divine, que les incrédules adorent comme nous sous un autre nom, finit toujours par distribuer aux peuples, suivant leur conduite, la prospérité ou la déchéance, la gloire ou le déshonneur.

Puisse l’année qui commencera demain produire au jour sans trop de retard les dons précieux que nous en espérons ! Puisse-t-elle bientôt nous apporter la paix, non une paix lourde et menaçante, comme celle qui depuis longtemps recelait en elle-même cette guerre, mais une paix sincère et durable, garantie fortement par l’entente des meilleures nations et des plus nombreuses, une paix où l’humanité, guérie de ses erreurs par une dure expérience, n’ait plus d’autre souci que de remédier aux maux soufferts et de respecter les droits de chacun !

Et quelle joie de penser qu’en cet avenir prochain et réparateur, notre patrie sera l’une des plus favorisées ! Avec ses limites du passé, elle en retrouvera l’honneur et l’indépendance. Non seulement ses ennemis ne pourront plus lui nuire, mais, habitués qu’ils sont au culte des forts, ils la respecteront à cause de sa victoire. Ses amis la traiteront, comme ils font déjà, en reine de grâce et de vaillance. Les fils qui lui seront rendus, après un demi-siècle de captivité, lui feront, à sa frontière nouvelle, un rempart de tendresse et de dévouement. Et quant à ceux qui ne l’ont pas quittée, mais qui l’affligèrent trop souvent de leurs divisions, ils se seront reconnus, à l’heure du danger, pour membres de la même famille ; après avoir versé leur sang pour le même héritage, pour le même idéal, ils ne voudront point, en se déchirant de nouveau, compromettre le fruit de tant de sacrifices, déconcerter leurs alliés fidèles, éveiller chez l’ennemi vaincu des espoirs de revanche.


FELIX KLEIN,

Aumônier de l’Ambulance américaine.