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souvent d’esprit de finesse, et concéder à l’esprit géométrique ce qui n’est point, pour lui, possession légitime.

Jetons les yeux sur quelques-unes des œuvres qui ont fait le renom de la science allemande, et voyons si la prédominance de l’esprit géométrique sur l’esprit de finesse ne s’y laisse point aisément reconnaître.


IV

L’esprit géométrique pourrait mieux encore s’appeler esprit algébrique. Il n’est pas de science, en effet, où la méthode dëductive ait plus de part que cette vaste généralisation de l’Arithmétique à laquelle on a donné le nom d’Algèbre ou d’Analyse. Les axiomes sur lesquels elle repose consistent en un très petit nombre de propositions fort simples touchant les nombres entiers -et leur addition. L’esprit de finesse n’a point eu grand effort à faire pour les dégager de l’expérience la plus vulgaire. De ces axiomes, c’est par la suite de syllogismes la plus rigoureuse qui se puisse concevoir que se tirent les innombrables vérités dont est faite la science algébrique.

La faculté de suivre sans défaillance, au cours de raisonnemens longs et compliqués, les règles les plus minutieuses de la Logique n’est pas, cependant, la seule qui entre en jeu pour construire l’Algèbre ; une autre faculté prend, à cette œuvre, une part essentielle ; c’est celle par laquelle le mathématicien, mis en présence d’une expression algébrique très complexe, aperçoit aisément les diverses transformations, permises par les règles du calcul, qu’il lui peut faire subir et, par là, parvient aux formules qu’il voulait découvrir ; cette faculté, très analogue à celle du joueur d’échecs qui prépare un coup savant, n’est point puissance de raisonner, mais aptitude à combiner,

Parmi les mathématiciens allemands, il en est, sans doute, qui ont possédé à un haut degré cette aptitude à combiner les opérations du calcul algébrique ; mais ce n’est pas par là que les analystes d’outre-Rhin ont excellé ; on trouverait plus aisément en France, et surtout en Angleterre, les grands maîtres de cet art ; tels un Hermite, un Cayley, un Sylvester. C’est par sa puissance à déduire avec la plus extrême rigueur, à suivre, sans la moindre défaillance, les chaînes de raisonnemens les plus longues et les plus compliquées, que l’Algèbre allemande a