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l’armée bavaroise, dans l’état de la plus grande béatitude. Sur leurs genoux, ils avaient déployé un guide et se concertaient sur l’hôtel où ils devaient descendre, aux bains de Kissingen. Ces préoccupations me rassurèrent, de nouveau. D’ailleurs, à mesure que je descendais vers le Sud, cette impression s’augmentait de visions pacifiques. Dans les champs, les paysans rentraient le foin, et, parmi eux, j’aperçus nombre de permissionnaires de l’armée active, la casquette de leur régiment sur la tête, aidant leurs parens dans leurs travaux agricoles.

Tard dans la soirée, j’arrivai à Louisbourg, où je ne pouvais avoir une communication directe pour Paris que le lendemain. Nul indice alarmant durant ce long trajet ne m’ayant frappé, je résolus de passer la nuit dans cette ville. En face de la gare, un petit attroupement s’était formé devant un journal affiché. En des termes prudens et officiels, il parlait de l’attitude de la Russie et de sa mobilisation activée. Le lendemain matin, 30 juillet, je me levai tôt et, mon train n’arrivant qu’à onze heures, je me promenai dans ce petit Versailles du Rococo. Bien que cette ville contint une importante garnison, je rencontrai peu de soldats. Dans une artère principale, on venait d’ouvrir une Exposition, et j’y pénétrai un instant pour voir des collections de porcelaines anciennes que la Cour avait prêtées à cette occasion. Dans une salle attenante, une exposition rétrospective d’uniformes militaires attira mes regards, et devant des vitrines de la guerre de 1870, un gardien débonnaire écoutait les récits d’un vétéran qui parlait du froid éprouvé à la bataille de Villiers. En sortant, je me rendis aux belles allées bordées de tilleuls, qui avaient vu passer, en 1805, l’empereur Napoléon. Quelques officiers de dragons s’y promenaient dans leurs tenues bleu ciel et blanc, au petit galop de leurs chevaux. Mâchonnant des cigarettes, ils étaient silencieux et semblaient préoccupés. Ils n’avaient plus cet air à la fois triomphant et blasé, ces conversations ricanantes des jours ordinaires. Lorsque j’arrivai au bout des allées, j’entrai par une grille dans le parc réservé du petit château nommé la « Favorite. »

Quelques enfans jouaient à la balle, sous la surveillance des nurses, à l’ombre des grands hêtres. Je fis le tour de ce domaine, de ces escaliers à attributs de chasse qui, derniers vestiges de l’influence française, descendaient avec une grâce toute latine, sur les gazons d’une place circulaire. En m’en retournant,