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sous des influences encore imparfaitement définies, la poudre B s’altère, une sorte de maladie l’envahit et sa température s’élève donc peu à peu jusqu’à ce qu’elle fuse. Mais jamais même alors, — et cela ne se produit guère que plusieurs années après la fabrication, — elle ne détone et n’explose. Si des catastrophes atroces, comme celle du Liberté, ont été causées naguère par la décomposition de la poudre B, ce n’est pas cette poudre elle-même qui en a été l’agent efficient, car elle avait causé seulement un incendie ; malheureusement, lorsque la température due à cet incendie a atteint la limite où la mélinite explose spontanément, celle qui remplissait les obus couchés dans les soutes du navire a explosé inévitablement.

A l’heure qu’il est, aujourd’hui que, par la force même des choses, tous nos stocks anciens de poudre sont depuis longtemps consommés, et que les champs de bataille ne consomment chaque jour et au fur et à mesure de leur sortie, que des poudres fraîchement préparées, nous n’avons plus à craindre d’accidens de ce genre, et la guerre a fait disparaître tous les inconvéniens qui résultaient, en temps de paix, de la longue conservation de nos poudres modernes.

Dans une poudre formée, comme la poudre noire, de grains irréguliers séparés par des solutions de continuité, la combustion est apportée dans toute la masse par les gaz chauds provenant des premières parties brûlés. La pression des gaz produits élève elle-même d’abord la vitesse de cette combustion ; mais il est certain que cette pression et cette vitesse baissent rapidement parce que les grains de poudre ne brûlent que par leur surface et que cette surface diminue au fur et à mesure de la combustion. En conséquence, et comme les expériences de sir Andrew Noble l’ont effectivement démontré, la combustion de la poudre noire est complètement achevée avant que le projectile se soit déplacé beaucoup dans l’âme de la bouche à feu, et de plus la pression produite est d’abord extrêmement élevée, puis tombe rapidement à zéro. C’est cette pression maxima, laquelle ne doit pas dépasser une certaine valeur sous peine de détériorer l’arme et de la faire éclater, qui limite la charge de poudre noire utilisable.

La poudre B est au contraire découpée en longs rubans très plats et elle brûle uniquement par la surface de ces rubans. La valeur de cette surface reste sensiblement la même à mesure que les rubans brûlent (l’épaisseur de leur tranche étant négligeable par rapport à leur largeur et à leur longueur qui restent constantes). Il s’ensuit que la pression des gaz dégagés par la combustion de cette poudre reste sensiblement constante tant qu’elle brûle et qu’on peut régler à volonté, par