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chronique de la guerre, c’est une poésie ardente, encourageante. craintive, attentive à ses chants, à l’heure opportune, et qui, parfois se mêle au tumulte, et qui parfois rejoint le silence, et qui a toutes les étapes, sonne juste et sonne beau, pour la victoire, ou l’attente et l’effort, ou la gloire et le deuil. Premiers jours de la guerre ; et le 10 août : « C’est un paysage matinal, un ciel d’or, d’argent et d’azur… » La diane, on dirait, dans la pureté de l’air ! « Août 1914 ! Sur les coteaux, le clairon retentit ; au milieu des vignes et des bois, le drapeau tricolore s’avance. Les fers de l’Alsace sont rompus. Déroulède, nous sommes à Mulhouse ! Vive la république française !… La marche en avant continue. Nous tenons la revanche. Le mot pendant quarante-trois ans répété, fatigué, quasi discrédité, que nous étions fous de maintenir, que nous eussions été mille fois plus fous d’abandonner, il est devenu un fait. Revanche, ce matin, c’est un mot tout neuf, tout rayonnant de vérité, de joie et de gloire. » La chance tourne ; il faut que nos armées se replient, de sorte qu’on ne sait plus et qu’on pose des questions. « Combien de temps durera la guerre ? » C’est le moins qu’on veuille demander. Alors, le thème du chant n’est plus cette allégresse d’un matin d’été : ce serait la douleur. Mais non : arrière la douleur ; plutôt la haine ! « Ils voudraient être le fléau de Dieu, le marteau qui martèle le monde. Des barbares, voilà leur prétention. La barbarie d’Attila, qu’ils prétendent renouveler, était quelque chose de spontané, de trop puissant qui débordait. Mais que des élèves d’université, des petits commerçans, des ouvriers socialistes… Ah ! l’âme allemande, nous la pesons à sa valeur. Ces gens qui veulent nous marcher dessus, ce sont de lourdes bottes, mais remplies de crottin. » La haine de ces barbares ; et l’immense amour de la patrie menacée : ainsi, l’âme évite la langueur. Ce n’est pas certes la langueur qui l’accable, pendant ces lumineuses journées d’août, si claires et lugubrement chargées de mystère, si violentes sur la ligne de bataille, si mornes ailleurs : « le grand soleil, cette attente, cet ennui, quelle effroyable simplification de la vie française ! » Aux premiers jours de septembre, après le départ du gouvernement, des Chambres, des uns et des autres, Paris est au plus fort de son péril, une citadelle en butte aux hordes qui approchent. « Parisiens, ne voyons pas le seul drame de notre Mlle. Montons sur les murailles et sur les tours de la cité et plus haut encore. Examinons par les yeux de l’esprit le vaste champ de bataille où l’univers se heurte pour notre juste cause. Alors nous crierons victoire ! » Puis, le 7 septembre : « Parisiens, félicitons-nous. On raconte qu’à Blois, au Mans, dans