Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 30.djvu/108

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

trop divergentes, et ils ne voulaient pas renoncer à la souveraineté de leurs juridictions propres. Aussi la Cour internationale ne put-elle être constituée. Le texte élaboré à La Haye sur ce point est donc resté sans application, et les prises opérées par la marine française continuent, — par le fait d’autrui, — à n’être soumises qu’à des juridictions françaises.


v

Nous savons maintenant ce qu’est le Conseil des prises, et nous avons vu qu’il se distingue de tous les autres tribunaux de notre pays par bien des traits caractéristiques : il ne se réunit qu’à l’occasion de faits de guerre, il se compose d’élémens hétérogènes, il siège entièrement à huis clos, on ne peut déférer ses décisions qu’au chef de l’État. Une dernière singularité qu’il présente tient aux principes qu’il doit mettre en œuvre. Les juridictions civiles, commerciales, répressives, ont des codes à appliquer. Les juridictions administratives, à défaut de codes, se fondent du moins sur des lois. Le Conseil des prises, lui, n’a cette ressource qu’exceptionnellement. En effet, le législateur n’est presque jamais intervenu en notre matière. Ce ne sont donc guère que des décrets qui l’ont réglementée. Ils sont nombreux, mais assez peu cohérens, ayant été faits à des dates très éloignées, sous des régimes fort différens, en raison de besoins variés et parfois contraires. Les plus récens n’ont pas toujours abrogé les plus anciens, mais souvent l’abrogation implicite résulte pour ceux-ci de l’impossibilité où l’on serait de concilier leur application avec l’état de choses actuel. On conçoit que l’embarras du juge soit parfois assez grand au milieu de cet amoncellement de textes non coordonnés. Il s’aggrave du fait que les décrets ne sont pas les seules sources du droit que le Conseil a à consulter. En dehors des textes français, il doit en effet s’inspirer de textes internationaux, déclarations ou conventions adoptées dans des congrès ou des conférences diplomatiques, et qui lient les Puissances co-contractantes, lorsqu’elles ont été dûment ratifiées par leurs autorités souveraines respectives. Il doit même parfois appliquer des textes purement étrangers, par exemple lorsqu’il a à