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amende toute inscription, toute affiche, ou même toute enseigne rédigée en langue fautive.

Que voilà donc des gens difficiles à contenter ! Essayons-nous de les satisfaire, en écrivant sur l’Espagne, nous jouons de malheur. On nous répond : « Vous louez notre passé, nos villes mortes, nos peintres, nos littérateurs d’autrefois. Enfin ! nous aussi nous existons ! Nous croyez-nous entrés définitivement dans l’archéologie ?… »

Les politiciens se montrent non moins chatouilleux que les gens de lettres et les artistes. Si les nôtres viennent les voir, ils s’offusquent de leurs manières et de leur langage : « Ces Français, — dit-on, — ils ont toujours l’air de débarquer en pays sauvage ! Et, quand ils ouvrent la bouche, quel vide dans leur discours ! Une fois qu’ils ont appelé l’Espagne « la nation chevaleresque, » ils ont tout dit. Nous prennent-ils pour un peuple de Don Quichottes ? »

En temps ordinaire, ces récriminations peuvent faire sourire. En ce moment, nous ne saurions trop les avoir présentes à l’esprit, ni, d’une façon générale, trop surveiller notre attitude et nos propos, dans nos relations avec les neutres. Comme me le disait spirituellement le marquis de Valdeiglesias, le distingué directeur de La Epoca, quand on courtise une jolie femme, il faut non seulement bien connaître son caractère, mais savoir aussi flatter ses faiblesses.

Encore une fois, tout cela est à fleur de peau. Il y a des froissemens plus intimes, dont on s’aperçoit après un quart d’heure de conversation. Les libéraux ont beau s’interdire les excès de langage des carlistes, ils ne tardent pas à nous faire sentir que notre politique antireligieuse, sans les blesser autant que leurs adversaires de droite, provoque néanmoins leur blâme. Nous les prenons pour des anticléricaux : ils ne le sont même pas nettement. Les mots nous abusent. Parce que beaucoup de ces libéraux sont des politiciens de gauche, nous les concevons sur le modèle des nôtres. C’est ainsi que l’épithète de « révolutionnaires » accolée aux Jeunes-Turcs, a illusionné nos radicaux : ils les ont vus à travers les hommes de 93. En réalité, il n’y avait rien de commun entre eux que les instincts patibulaires. Or, pour ce qui est des libéraux espagnols, presque tous sont catholiques. Comment s’en étonner ? Ne nous lassons pas de le redire : l’Espagne en bloc est catholique.