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1 800 mètres environ, l’obus de 75 à 4 000. Mais le réglage du tir sur un objectif mobile comme un avion est malaisé. On ignore sa hauteur et sa vitesse exactes. L’imprévu de ses mouvemens déconcerte. Malgré l’organisation des postes de repérage et de tir, qui seront évidemment beaucoup perfectionnes, on n’atteint pas souvent l’ennemi qui court à 1 800 ou 2 000 mètres d’altitude. Si, plus bas, on l’atteint, on l’arrête rarement. Les trous dans les ailes ne l’empêchent pas de marcher. Il faut, pour provoquer une catastrophe, toucher quelques points vitaux, qui ne forment pas un gros but : tuer ou blesser sérieusement l’aviateur, crever le réservoir, couper une commande importante. En fait, nos hommes-oiseaux se rient des coups de feu. Ils descendent lancer leurs bombes à 100 ou 200 mètres du sol. Bien peu d’entre eux sont mis hors de combat. Leur principal ennemi est l’aviateur adverse.

Un grand progrès serait accompli, si l’on avait réussi à atténuer le bruit de leur moteur et de leur hélice. Leur présence ne serait plus annoncée à dix lieues à la ronde. Ils pourraient sortir inopinément de la nuit, du brouillard, ou de derrière les nuages, pour accomplir leur besogne. A vrai dire, on peut croire qu’aux temps futurs où les chemins de l’air seront incessamment parcourus par d’innombrables appareils volans, un bruit d’hélices se perdra mieux qu’à présent dans le grondement continu du roulage aérien. Il ne dirigera plus l’attention.

Un autre progrès consiste à diminuer la visibilité de l’appareil en constituant ses ailes d’une matière transparente. Les Allemands utilisent, dit-on, pour cet usage, le cellon, sorte de celluloïd non inflammable inventé par deux Français peu avant la guerre.

Pour nous figurer l’état de l’atmosphère, sillonnée en tous sens par les navires de l’air, nous n’avons pas d’autre point de comparaison que la mer et les vaisseaux. Malgré les différences, les choses s’y passeront de même dans les grandes lignes. La stratégie de l’air ne sera qu’un développement de la stratégie navale, mais avec quelles curieuses variantes ! La loi universelle de spécialisation y aura la même conséquence, en spécialisant d’abord le champ des rencontres décisives. Dans l’un et l’autre cas, la lutte comportera normalement deux actes successifs ; pour vaincre, il faut, en premier lieu, triompher dans l’ordre purement professionnel, pourrait-on dire en marine, conquérir