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premier siècle après le Christ une succession presque ininterrompue de pèlerinages, d’ambassades, de missions religieuses et artistiques, met en communication quasi permanente l’Inde et la Chine, de même, à partir du VIe siècle, le Japon, qui avait déjà reçu les germes de la doctrine confucéenne, reste en communication avec la Chine, et, par la Chine, avec l’Inde, s’inspirant de leur foi et de leur art, non sans y ajouter sa propre marque, sans y imprimer le sceau de sa nature et de son génie.

Chacune des périodes dans lesquelles se divise l’histoire de la civilisation japonaise correspond de la sorte à une période des civilisations de la Chine et de l’Inde. La période dite d’Asuka, d’après le nom de la ville où était alors la capitale de l’Empire, à douze milles au Sud de Nara, correspond à la première époque du bouddhisme de l’Inde et à la dynastie chinoise des Han. Elle est marquée, sous le règne de l’impératrice Suiko et de son neveu, le prince régent Shotoku-Taishi, d’abord, au point de vue des doctrines, par la constitution en dix-sept articles, ci-dessus mentionnée, puis, au point de vue de l’art, par les temples et la pagode de Horinji, ainsi que par les œuvres de sculpture qui y sont conservées, surtout par la trinité bouddhiste du sculpteur Tori, et par l’admirable Kwannon en bois noir du monastère de Chiuguji, compris parmi les dépendances du temple principal (550 à 700). La période dite de Nara, également d’après le siège de la nouvelle capitale (de l’an 700 à l’an 800 de notre ère), correspond à la seconde époque du Bouddhisme, au grand règne hindou de Vikramaditya et à la glorieuse dynastie chinoise des Tang. C’est l’âge classique, l’apogée du Bouddhisme aux Indes, en Chine et au Japon, la grande époque des sculptures d’Ellora, de Long-Men et de Nara, des poèmes de Kalidasa, de Li-tai-pe, d’Hitomaru. « Dans la capitale de la Chine, à Loyang, écrit Okakura, il y avait à la même date, pour implanter leur religion et leur art sur le sol chinois, plus de trois mille moines indiens et de dix mille familles hindoues. » Okakura ajoute que le souvenir de l’enthousiasme extraordinaire suscité par la fusion à cette date, sur le sol chinois, des trois civilisations s’est perpétué au Japon dans la légende populaire des trois voyageurs se rencontrant à Loyang et venus, l’un de l’Inde, l’autre de la Chine, le troisième du Japon. « Nous faisons à nous trois, en nous réunissant ici, dit le Chinois, un éventail, dont la Chine serait le papier, l’Inde,