Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 31.djvu/663

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

besoins sont à ce point enchevêtrés qu’une enquête sur place est indispensable. Cette enquête, qui doit se poursuivre rapidement au siège de chaque quartier (il y en a 71, y compris la Corse et l’Algérie), est confiée à une mission de contrôle, dirigée par M. le contrôleur général Thierry d’Argenlieu.

Chaque quartier est un petit royaume original et pittoresque, où les conditions de la mobilisation ne sauraient être semblables. Ici, c’est le grand port de commerce ; les courriers y attendent à heure fixe leurs contingens de marins pour prendre le large. Il suffit qu’un maître d’équipage ou que quelques soutiers fassent défaut au dernier moment pour retarder l’appareillage d’un grand steamer. Comme les effectifs sont calculés strictement, la ponctualité dans le recrutement des matelots est la condition même de la régularité des lignes postales. Autour des môles, vit un monde de remorqueurs, de pilotes, de citernes dont l’activité est essentielle au trafic : Marseille, Le Havre, Bordeaux, Rouen, Saint-Nazaire, La Rochelle. Là, c’est l’arsenal de guerre où presque tous les inscrits se rattachent à une profession militaire : Brest, Cherbourg, Lorient, Toulon. Il y a les quartiers d’armement des grandes pêches qui voient l’exode des Islandais et des Terre-Neuvas s’effectuer comme en rite chaque année vers la même époque : Paimpol, Saint-Servan, Saint-Malo, dont les bassins sont encombrés de goélettes. Puis, les villages maritimes où tous, hommes et femmes, vivent du poisson, dont les rues tortueuses sentent la marée : Dieppe, Fécamp, Concarneau, Audierne, Camaret, Les Sables. Les ports mixtes, comme Dunkerque, La Rochelle, Cette, qu’alimentent le commerce et la pêche. Les quartiers des rivières qui semblent un anachronisme étrange et ne connaissent rien de la mer : Libourne, Arles et Narbonne. Puis les cités hivernales de la Côte d’Azur : Antibes, Nice, Saint-Tropez, Cannes, où les administrateurs ont l’air d’être en villégiature. Il faut troubler la paix de toutes ces agglomérations bruyantes ou paisibles, brumeuses ou ensoleillées. Il s’agit de discerner celles dont il faut conserver l’activité, précieuse pour la nation tout entière, et celles auxquelles une telle sollicitude n’est point due.

La situation est la suivante : parmi les inscrits au-dessous de trente et de trente-cinq ans, qui ont été laissés dans leurs foyers, figurent des navigateurs au long cours, au cabotage ou à la