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Pampelune, ou simplement chez lui ? Il importe peu. D’ailleurs, toutes ces rumeurs de guerre, et les nouvelles de ses frères, impatiemment attendues, n’eurent peut-être que de faibles répercussions sur son travail. Lorsque l’anxiété se prolonge, elle devient comme un élément de la vie qui n’en gêne plus les autres, ou, du moins, dont il faut bien qu’ils s’accommodent. En tout cas, sa vocation semble arrêtée. C’est en vain que ses frères l’ont poussé vers le métier des armes. L’exemple de son père lui commande de préférer la gloire des docteurs. Peut-être entrevoit-il les honneurs ecclésiastiques. Six ans plus tard, dans un acte passé à Paris devant un notaire de sa nation, le titre de Clerc du Diocèse de Pampelune, dont il fait suivre son nom, nous prouve qu’il était déjà entré dans la cléricature, ce qui ne l’empêchait pas de remplir, sous les ordres de sa mère, forte femme, et tenace à défendre ses intérêts, les fonctions d’un procureur qu’elle ne pouvait plus payer.

Le retour de ses frères émancipa son ambition, car il était ambitieux, et nous n’en voulons d’autre garant que son départ, en 1525, pour l’Université de Paris. Quand on est appauvri et qu’on réside à Xavier, si l’on désire tout bonnement achever ses études, on va aux Universités de Salamanque ou d’Alcala ; mais si on rêve plus que des grades, si l’on se sent, si l’on se croit appelé à jouer son rôle sur la scène du monde, on prend le chemin de Paris. Peut-être aussi, à cette raison, s’ajoutait-il chez François l’envie de connaître le pays, pour lequel ses frères s’étaient si bien battus.

Au surplus, qu’est-il, Espagnol ou Français ? Ce jeune inconnu qui s’éloigne de la Navarre, et dont personne, sauf les siens, ne se soucie, sera un jour un grand sujet de débat entre les deux peuples. On se le disputera. La France fera valoir que la Navarre, où il naquit et quand il y naquit, avait à sa tête des princes français et qu’elle était terre française. Elle en appellera à la signature du jeune homme, accompagnée tout d’abord du mot frances. Mais l’Espagne néglige superbement l’histoire et ne s’intéresse qu’à la géographie. Elle dresse les Pyrénées entre lui et nous. Sa vérité, à elle, est que tout ce qui est en deçà lui appartient de droit divin. Rome n’a garde de trancher une querelle qui est une émulation d’hommage. Le Bréviaire se contente de dire avec une précision inattaquable : « François, né à Xavier, diocèse de Pampelune. » De leur côté,