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Norvège mécontente et les voies ferrées d’une Suède hostile.

On nous avait dit, il y a quelques semaines, que le chemin de fer qui reliera la côte Mourmane[1] à Pétrograd était sur le point de fonctionner. Il faut en rabattre. Même en empruntant la voie de la partie occidentale de la Mer-Blanche, ce qui ne semble pas très pratique, sauf au cœur de l’été, on n’ira du port d’Alexandrovsk de Kola dans l’intérieur de la Russie qu’au mois d’avril. Le tronçon qui doit longer la Mer-Blanche, de Kandalatsk à Kèm, est en effet d’une construction très difficile, traversant une région de fondrières marécageuses, où l’on ne peut rien établir que sur pilotis. En fait, les Alliés seront encore longtemps tributaires des lignes Scandinaves de Narwick-Luléa et de Trondjhem-Geffle. Cette sujétion exige quelque prudence.

Au Danemark, en Hollande, que deviendront les « ententes » au moyen desquelles les Alliés avaient obtenu une certaine limitation des exportations faites en faveur de l’Allemagne ? On verra se multiplier, de connivence avec des autorités décidément tournées contre nous, les Consenten, — analogues à nos propres « dérogations, » — qui permettent à nos ennemis de reprendre en détail tout ce qu’on pense leur avoir enlevé en bloc.

On verra de plus en plus le Danemark, par exemple, importer pour l’alimentation de sa population de la viande frigorifiée ; et nous n’aurons rien à objecter à cela. Mais, en même temps, à l’abri de nos vues et de nos investigations, il transportera à Kiel, à Lübeck, à Warnemünde, les beaux animaux sur pied que produit en abondance ce pays de riches pâturages et d’élevage savant. Double avantage : satisfaire l’Allemagne que l’on craint, au détriment des Alliés que l’on ne craint pas, et réaliser des gains très sensibles.

Bref, tous ces neutres, producteurs d’un côté, intermédiaires et « transiteurs » de l’autre, s’évertueront plus que jamais, excités par le ressentiment des intérêts menacés, à faire bénéficier nos ennemis de toutes les modalités de la plus ingénieuse contrebande.


Mais ce n’est pas tout. On pense bien que ces ennemis eux-mêmes ne resteront pas inactifs et qu’ils auront tôt fait de

  1. Cette côte, longée par la branche Nord du Gulfstream, qui s’infléchit là vers le Sud-Est, reste à peu près libre de glaces en plein hiver.