Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 31.djvu/890

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les notes qui existent au département des Affaires étrangères démontrent qu’il aurait pu se présenter des cas de violation de notre neutralité où l’attitude correcte à adopter par nous eût été bien difficile à déterminer de façon certaine et rapide[1] ; mais, je le répète, elles prouvent à l’évidence la ferme résolution qu’avait le gouvernement de s’acquitter avec une scrupuleuse droiture, dans toutes les hypothèses, et quoi qu’il pût en coûter au pays, des devoirs imposés à la Belgique par les traités de 1839.

Le régime de la neutralité garantie était destiné, dans la pensée de l’Europe, à nous tenir en dehors des conflits et, si ce but ne pouvait être atteint, à procurer une assistance à notre faiblesse contre un agresseur éventuel. Aujourd’hui, le monde peut juger si, à l’épreuve suprême, la neutralité garantie a répondu aux espoirs qu’on avait fondés sur elle, et le peuple belge est à même d’apprécier si ce cadeau des grandes Puissances a été, en fin de compte, un bienfait pour lui. Il lui appartient de tirer les conclusions qui se dégagent pour l’avenir de la terrible leçon des événemens. Parmi les Puissances voisines de la Belgique, en est-il qui constituent un danger pour son existence, et d’autres sur lesquelles elle peut compter pour sa sauvegarde ? La défaite, l’humiliation ou la diminution de ces dernières à n’importe quelle époque ne risqueraient-elles pas d’être le signal de sa propre disparition comme nation autonome ? Y a-t-il lieu, par conséquent, de fonder la politique future du royaume sur ces considérations, ou est-il possible de reprendre la sérénité et la confiance égale envers toutes les Puissances qui nous étaient imposées autrefois ?… Voilà le problème devant lequel la guerre a placé le peuple et le gouvernement belges.

  1. Par exemple, dans le cas de violation simultanée ou à peu près simultanée par plusieurs belligérans, chacun accusant son adversaire d’avoir commis la première violation et attribuant à sa propre entrée sur notre territoire le caractère de prestation de la garantie.