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déclaration, ainsi que de la démarche faite à Berlin comme à Paris par le gouvernement anglais et que sir F. Villiers avait portée la veille à notre connaissance.

Le ministre voulait ainsi donner au représentant de l’Allemagne l’occasion de nous dire si son gouvernement avait répondu dans le même sens que la France à la question de l’Angleterre concernant le respect de notre neutralité.

Je devais me rendre d’abord chez sir F. Villiers pour lui demander s’il n’avait pas d’objections à ce que je misse M. de Below-Saleske au courant de ce qu’il nous avait dit la veille. Le ministre d’Angleterre, qui avait du monde dans son cabinet, vint dans l’antichambre où il me reçut immédiatement avec son amabilité coutumière. Il réfléchit un moment sur la question que je lui posai et répondit : « La communication que j’ai été chargé de faire au gouvernement du Roi a été faite sans réserve ni condition, elle lui appartient donc et il peut en faire l’usage qu’il croit utile. »

Je courus à la légation d’Allemagne où j’arrivai vers midi et demie. J’exposai à M. de Below-Saleske la démarche faite par l’Angleterre à Berlin et à Paris. Je lui répétai la déclaration si nette et si loyale que M. Klobukowski nous avait faite le matin au nom de la République française. Enfin, suivant les instructions de M. Davignon, je lui dis que la légation de France avait prié la presse de publier un communiqué faisant connaître l’attitude de son gouvernement. Ce communiqué paraîtrait le soir même.

M. de Below-Saleske, quand j’eus fini, se renversa dans son fauteuil et, regardant au plafond, les yeux demi-clos, il répéta avec une fidélité de phonographe tout ce que je venais de lui dire, se servant des mêmes mots que j’avais employés, — au point que je me demandai si c’était simplement une preuve de bonne mémoire ou s’il était déjà au courant du tout avant ma visite… Mais, quand il eut fini de répéter ma communication, il s’arrêta un moment, puis ajouta : « Vous voudrez bien, je vous prie, dire à M. Davignon que je le remercie vivement de son message et que j’en informerai mon gouvernement. » Puis il me marqua de façon claire, en se levant et en m’offrant une cigarette, qu’il n’avait, officiellement, rien de plus à me dire. Mais il reprit presque aussitôt, sur le ton d’une conversation familière, qu’il avait personnellement la conviction