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et quand en 1817 parut un essai de statistique qui portait au frontispice une médaille de Calvin et qui contenait certains couplets, offensans pour les catholiques, de la chanson de l’Escalade, Vuarin se plaignit aux magistrats, et voulut même se plaindre au Tsar, par l’intermédiaire de Joseph de Maistre, ministre de Sardaigne en Russie.

Curé catholique, il conseillait un jour à quelques membres du Grand Conseil de gouverner en philosophes. — « En philosophes, répliquaient ceux-ci, monsieur le curé, vous n’y pensez pas. — Oui, messieurs, en philosophes, répondait Vuarin ; ayez comme particuliers votre religion, protégez-la, c’est nécessaire. Mais, comme magistrats, ne soyez ni protestans, ni catholiques. Soyez philosophes, c’est-à-dire impartiaux, ce qui ne veut pas dire que vous devez gouverner en incrédules. »

Et comme l’abbé Vuarin visait toujours à s’appuyer sur le gouvernement sarde, ce fut une bonne fortune pour Genève, bonne fortune due à l’entremise de Niebuhr, diplomate de la Prusse protestante, d’obtenir du Saint-Siège, en 1819, que les catholiques genevois ne dépendissent plus de l’évêché sarde de Chambéry, mais de l’évêché suisse de Lausanne. Les liens se distendaient un peu, par cela même, entre le catholicisme genevois et la Sardaigne. Une façon de concordat conclu entre Genève et l’évêque Yenni, de Lausanne, précisait la situation nouvelle. Mais quand Genève, tout de suite après, réclama de l’évêque Yenni le renvoi du « sieur Vuarin, curé de Genève et archiprêtre, » l’évêque refusa.

Malgré les démarches successives du gouvernement genevois auprès de l’évêque de Lausanne, démarches auxquelles les oreilles épiscopales ne furent pas toujours inaccessibles, l’abbé Vuarin, soutenu par Rome, devait rester, vingt-trois années encore, curé de Genève ; il eût pu mourir évêque, cardinal, il préférait à ces dignités la cure de Genève et son rôle à Genève, et trois ans avant sa mort, qui survint en 1843, il prévenait le syndic Rigaud que Dieu saurait mettre après lui, dans la cure de Genève, » un successeur qui ne gâterait pas les affaires. » « La divine Providence, insistait-il, n’a pas établi à Genève, croyez-moi, une paroisse catholique de 8 000 âmes en moins de quarante ans au milieu des circonstances les plus étranges et les plus inouïes, pour nous retirer la protection de son bras. »

Le pasteur Jacques Caton-Chenevière, témoin de ce phénomène,