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en déchaînant l’hostilité du quartier Saint-Gervais contre les cantons catholiques de la Suisse et qui, plus tard, devenu le maître, donna souvent aux catholiques de Genève le témoignage d’une équité presque bienveillante, taxée par certains protestans de complaisance partiale. Ils voient en lui le destructeur de tout ce que leurs aïeux aimaient. Le Monsieur Zacharie dont parle quelque part Philippe Monnier, homme triste, aimant son pays d’un zèle amer, se dressant comme un reproche vivant, très charitable au demeurant, mais intraitable sur ce point unique, que jamais il n’a voulu dans sa maison une servante papiste, a la haine de Fazy, qu’il considère comme un antéchrist. Monsieur Zacharie n’est pas un original à Genève : il incarne toute une catégorie de Genevois. Et ces Genevois haïssent Fazy, en raison même de l’importance de son œuvre, de cette œuvre sur laquelle on ne pouvait revenir, — « œuvre nationale par excellence, écrira tout au contraire, à la fin du XIXe siècle, l’abbé Carry, vicaire général de Genève, œuvre qui nous a donné l’unité par la liberté religieuse et l’égalité démocratique. »

Suivant la conception que l’on a de Genève, on admire ou l’on blâme James Fazy, Ce fut en résumé tout son programme, d’adapter la vie politique et sociale de cette ville aux faits nouveaux créés en 1815. Politiquement, il alla jusqu’au bout de sa tâche ; religieusement, il s’arrêta à mi-chemin. Il était personnellement partisan de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Aspirant à la liberté religieuse la plus absolue, il eût aimé, dès 1847, supprimer de la Constitution le chapitre des cultes pour « l’abandonner à la pure et simple direction des hommes religieux de tous les cultes, qui organiseraient leur Eglise comme ils l’entendraient : » cela eût réjoui l’âme de Vinet, celle aussi de Secrétan, le futur philosophe de la volonté, qui, dans le Courrier suisse, appuyait l’idée de la séparation. Mais Genève voulait encore demeurer, à certains égards, une nationalité religieuse : provisoirement, Fazy disait Amen, et, tout en considérant la mission théologique de Genève comme terminée, il laissait à l’Eglise nationale, dans les cadres du « multitudinisme, » la possibilité de durer, et peut-être de prospérer encore.