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Entre ces divers degrés d’enfoncement et de défilement, on choisit selon les opportunités du combat. La ligne de défilement du matériel donne la protection minima ; mais elle donne une grande facilité d’ouverture de tir, de transport de tir, de variation et de nuance dans le tir. La souplesse du matériel à ces divers points de vue devient en effet d’autant plus grande que le pointeur a devant lui un panorama plus étendu et que, délivré du bandeau que le terrain lui mettait sur les yeux, son champ visuel ressemble davantage à celui de son capitaine. Le défilement des lueurs donne une sécurité absolue ; mais alors, l’observatoire est forcément éloigné de la ligne de feu ; le capitaine ne peut plus se faire entendre à la voix ; il lui faut des intermédiaires ; il en résulte des lenteurs ou des erreurs dans la transmission des ordres, et la complication plus grande des rouages fait perdre au canon les propriétés de vitesse qu’il devait à la perfection de son mécanisme et de sa construction.

Ainsi, à mesure qu’on recule derrière la crête et qu’on s’enfonce, on diminue il est vrai les facultés d’action de l’adversaire, mais on amoindrit proportionnellement ses propres facultés. Dès lors, le choix à faire ne peut être qu’une cote mal taillée, et le degré de sécurité qu’on s’assure s’achète toujours par une diminution du degré d’efficacité. Il résulte de là que la recherche de la sécurité « en soi » doit être abandonnée, qu’elle est fausse et coupable au point de vue militaire ; il convient d’y substituer le souci d’une sécurité relative : la sécurité en vue de l’action.

Voilà donc une lumière introduite dans ce débat obscur ; voilà le rattachement fait, du problème spécial que l’artilleur se pose, quand il se préoccupe de protéger ses hommes, ses chevaux, ses canons, au grand problème émouvant et transcendant de la bataille qui se livre et du succès qu’il faut remporter. Il est dans la bataille comme la partie est dans le tout. Sa sécurité varie en fonction de son action. Agit-il à grande distance, au début d’un engagement contre un adversaire posté, caché, cherche-t-il à provoquer seulement ; tâte-t-il à coups de canon son champ de bataille, qu’il doit se couvrir, qu’il ne peut se risquer à découvert sans aller au-devant de la ruine et sans anéantir de gaîté de cœur sa propre action.

Les conditions changent bientôt dans les phases suivantes de l’action. La nécessité d’être alerte et souple, de veiller à la fois sur les quatre coins de l’horizon, fait renoncer au défilement