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arrière vers Saint-Georges et Villechavant renouveler le combat.

Nous les y devançons ; et tandis qu’ils s’accrochent aux buissons, aux fossés, aux mottes de terre, rétrogradent pied à pied et chicanent le terrain à coups de fusil, nous allons plus librement, escortés par la compagnie qui nous sert de soutien, vers le point le plus haut du terrain. Une attraction spéciale, qu’on pourrait dire égale et de sens contraire à l’accélération de la pesanteur, nous porte vers ces emplacemens dominans. Ils donnent des vues plus étendues, ouvrent de plus grands champs d’action ; nous nous gardons cependant de les occuper tout de go et de nous y installer à découvert. On peut voir sans se laisser voir, et cette latitude est d’autant plus grande qu’une seule personne doit voir : le capitaine ; nos souples moyens de pointage dispensent les pointeurs de voir, ou du moins de voir le but ; ils voient autre chose, des points auxiliaires placés obliquement ou sur le flanc, ou même en arrière du front. La liaison de ces points auxiliaires au but est faite par l’œil du capitaine, sorte d’organe supérieur ou si l’on veut de commutateur, prunelle d’épervier par rapport à laquelle l’œil du pointeur n’est plus qu’un œil de taupe, accommodé pour la vision prochaine, rattaché étroitement au terrain.

Ainsi, l’unique condition dont il faille se préoccuper, dans la détermination de l’emplacement définitif, est le choix d’un poste observatoire à l’usage du capitaine. Cette condition une fois remplie, il n’y en a plus d’autre à prévoir, du moins d’ordre personnel.

Il n’y a plus que cette nécessité balistique, que la trajectoire des canons puisse passer par-dessus le masque couvrant, et c’est le casse-tête de la masse couvrante. Or, il est loisible de choisir en contre-bas de la crête une position très voisine du sommet : c’est celle du défilement du matériel ; ou plus enfoncée derrière le couvert : c’est celle du défilement de l’homme à pied. Plus abritée encore : c’est celle du défilement de l’homme à cheval. On arrive enfin, à cinq ou six cents mètres au-dessous de la crête, à défiler les lueurs du canon. On soustrait ainsi à l’adversaire non seulement la moindre tête d’homme ou de cheval effleurant le contour du terrain, mais jusqu’à ces éclairs instantanés qui sont les seuls indices par lesquels la poudre sans fumée décèle la déflagration du coup de canon.