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SCÉNES DE LA VIE MILITAIRE

EN COMMANDANT LA TROUPE

Aucun des lecteurs de cette Revue n’a oublié les romans et récits militaires signés du pseudonyme d’Art Roë par le lieutenant-colonel Patrice Mahon, qui devait tomber glorieusement à Wissembach au mois d’août 1914. Il avait débuté dans les lettres par un roman de vie militaire, Pingot et moi, où il mettait en scène l’officier dans ses rapports quotidiens avec ses hommes. Le récit que nous publions fait suite à ce roman célèbre. Écrit plusieurs années avant la guerre, il montre avec éclat comment nos officiers se préparaient, en y pensant toujours, à un conflit qu’ils jugeaient inévitable, et comment ils se posaient, au cours des manœuvres, les questions mêmes que nous voyons se présenter chaque jour sur le champ de bataille. Ce qui donne au récit une allure incomparable de fierté et de noblesse, c’est la conception que le jeune officier, — il était alors capitaine d’artillerie, — se faisait de l’armée, symbole de « la France qui ne change pas, » et du lien moral établi une fois pour toutes entre ceux qui, à l’heure décisive, sauront « mourir les uns pour les autres. » C’est pour tous ses camarades que parlait Patrice Mahon, lorsqu’il résumait l’œuvre commune dans ce mot magnifique : « servir de toute son âme. »


Cheverny, 20 juillet 1903.

Quatre heures du matin... Tandis que le capitaine de logement rassemble les fourriers a vingt mètres d’ici, sur une esplanade dont le centre est marqué par un puits, moi, sur la place de l’Eglise, je regarde ma petite colonne qui achève de se