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dont la gravité précoce se mêlait de tant de charme : pressentiez-vous combien votre destinée serait courte ? Je pense à vous, Leroux, l’orgueil de la jeune Ecole de Madrid, après avoir été celui de l’École d’Athènes, qui, brillant archéologue, vous étiez, avec cette souveraine aisance qui fut un de vos dons, transformé en brillant officier, et qui, mal guéri d’une première blessure, étiez parti si allègrement pour les Dardanelles. Mais je devrais aussi penser à d’autres, et je n’ai pas le droit de m’attarder à des regrets où il entre une part d’amitié personnelle. Ceux-là du moins me servent de mesure pour les pertes de même nature et de même prix que la science française a faites. Dans l’enseignement secondaire aussi, il y aurait des noms, trop de noms à retenir et à citer. Hier celui de Malet, bien connu de tous les élèves d’histoire de nos lycées, s’inscrivait sur la liste funèbre. D’une façon générale, les pertes sont plus grandes parmi ceux que leur degré de culture prédestinait aux fonctions d’officier, soit qu’ils les aient occupées dès le début de la campagne, soit qu’ils les aient conquises. L’Ecole de Saint-Cloud qui est l’Ecole normale supérieure de l’enseignement primaire, où se forment les professeurs d’Ecoles normales et d’Ecoles primaires supérieures, semblé avoir voulu rivaliser avec l’Ecole normale de la rue d’Ulm. Un élève sur dix a obtenu une citation. Dans tous les ordres d’enseignement les citations sont innombrables et souvent très belles. Rien ne vaut ces simples récits, faits en termes militaires, des exploits accomplis. Si je ne donne pas de chiffres pour les citations obtenues, c’est que la nature variée de ces citations fausse les statistiques. L’enseignement secondaire a déjà 14 chevaliers de la Légion d’honneur pour faits de guerre, l’enseignement primaire 70. Et rappelons que seuls les officiers peuvent recevoir cette distinction.

A quelques-uns, qui connaissaient mal nos instituteurs, leurs vertus militaires ont causé une agréable surprise. On les jugeait d’après des manifestations tapageuses qui n’engageaient que ceux qui s’y livraient, et qui, eux-mêmes, étaient le plus souvent des esprits généreux grisés par le vin des idées. Ceux qui les fréquentaient ne doutaient pas d’eux, et eussent prédit que de la fougue même de leur nature jaillirait de l’héroïsme : les plus épris de paix n’auraient contre ceux qui ont déchaîné la guerre que de plus saintes colères. C’est ce qui est arrivé. Peut-être même ont-ils mis un point d’honneur à se montrer plus braves,