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Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 34.djvu/306

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parce qu’instituteurs, et ce point d’honneur a-t-il coûté des vies. Nous y regarderons désormais à deux fois avant de médire les uns des autres. Les chefs de ceux qu’on appelait les syndicalistes sont morts les premiers : c’est Chalopin, secrétaire du syndicat des instituteurs de la Seine et de la Fédération nationale, c’est Berry, trésorier du même syndicat, c’est Cren, qui présida le Congrès autrefois fameux (mais combien cela nous paraît lointain !) de Chambéry. Aussi de grands écrivains se sont honorés en rétractant des sévérités que les apparences avaient justifiées. L’Académie française a tressé pour les instituteurs ses plus belles couronnes. Des généraux les mettent pour ainsi dire collectivement à l’ordre du jour : « Les instituteurs, tous des poilus, des patriotes, toujours prêts au grand sacrifice, » dît l’un d’eux. Un autre que son nom, sa particule, son éducation, » dit le journal Le Temps, ne désignaient pas comme un défenseur de l’école officielle, affirme que « les instituteurs constituent une des forces principales, sinon la force principale de son armée. » Voici maintenant l’hommage d’un simple soldat :


Mon capitaine… je veux vous remercier de tout ce que vous avez fait pour moi et pour les autres de la compagnie. Je vous remercie de ce que vous vous faites aimer de vos hommes en étant bon pour eux et en leur montrant que vous les aimez ; je vous remercie de ce que vos hommes vous voient souvent, de ce que votre présence vient souvent leur rendre courage et ardeur, et cela, même la nuit, même lorsque le temps est mauvais, même quand sifflent les balles, et que les obus ne tombent pas loin ; je vous remercie de ce que vous dites à vos hommes de se baisser, tout en regardant, vous, par-dessus le parapet, car tout cela redonne courage au soldat et rend la vie moins dure. Je ne vous dis pas cela pour vous flatter : flatter est une chose bête qui ne sert à rien. Mais je vous dis cela parce que je sais que cela donne courage et force à un homme de savoir qu’il réussit à faire du bien. Et je serais heureux si j’avais pu alléger et rendre moins dure en quelque chose votre tâche si pénible de chef de guerre.


Cette lettre est adressée à un instituteur, fils d’instituteur, capitaine à vingt-huit ans, par un soldat qui, dans le civil, est un Père jésuite. Honorons-les tous deux en passant. De cette lettre il faut rapprocher cette boutade d’un instituteur, sous-lieutenant : « Croyez que, parmi les plus braves, sans vantardise, se trouvent toujours un instituteur et un curé. » — Entre tous ses instituteurs, la France doit à ses instituteurs algériens un tribut particulier de reconnaissance. L’un demande au