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français étaient sur l’autre rive. Ce qui suit est extrait d’un rapport d’inspecteur primaire :


Un Allemand commande à l’instituteur de crier à nos soldats, afin de les attirer dans un guet-apens : « Venez, les nôtres sont ici. » Celui-ci refuse. Aussitôt on lui loge une balle dans la tête. La mort ne venant pas, on lui donne une seconde fois l’ordre de crier. Nouveau refus. Une seconde balle ennemie lui traverse la bouche et les deux joues, et on l’abandonne. La nuit venue, le moribond réussit, au prix d’efforts inouïs, à se traîner jusqu’à la route voisine. Une vache affamée s’approche et vient lécher le sang qui coule de ses blessures. Au matin, un passant le relève, et on transporte le malheureux à l’hôpital. Mais les docteurs allemands refusèrent de le soigner. Abandonné, l’instituteur de Stenay mourut après une longue et douloureuse agonie.


Nous connaissons l’histoire de celles qu’on appellera d’un nom collectif et qui honore tout un département : les institutrices de la Marne. L’autre guerre avait eu les instituteurs de l’Aisne, des martyrs, ceux-là. Elles sont trois qui, infirmières, accomplissent des prodiges à Reims avant, pendant, et après l’occupation allemande. Mlle Fouriaux est celle qui répondit aux remerciemens du major allemand qui s’en allait le 12 septembre : « Monsieur, nous n’avons fait que notre devoir d’infirmières, mais sans oublier jamais que nous sommes Françaises. » Une quatrième, Mme Fiquémont, remplit les fonctions de secrétaire de mairie à T… Voici ce que les rapports officiels nous apprennent à son sujet :


Du 4 au 12 septembre, elle eut à lutter contre les Allemands occupant la localité. Le 12, les Français reviennent ; mais T… se trouve sur la ligne de feu, et devient le théâtre de combats quotidiens. Toutes les maisons furent démolies par le bombardement ; un obus explose dans la chambre à coucher de Mme Fiquémont, heureusement absente ; mais elle refusa toujours d’abandonner sa maison, quoiqu’elle eût avec elle sa fillette de cinq ans et son neveu de six ans. Depuis le 24 septembre, la courageuse institutrice remplace le maire âgé et malade dans ses fonctions. La localité est d’ailleurs encore exposée aux obus allemands, mais Mme Fiquémont demeure quand même à son poste.


Nous sommes injustes en écartant d’autres noms qui se pressent encore sous notre plume. Comme l’Officiel est éloquent, même quand il s’agit de citations civiles I et comme on a, envie de supprimer toute analyse, tout commentaire et de se contenter d’aligner ces citations ! Mme Chéron a accompli successivement les