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peut-être grossir démesurément un des côtés très nombreux par lesquels on doit envisager la lutte actuelle ; mais on verra bientôt que cette opinion est partagée par les Allemands eux-mêmes ; et, quand on en est prévenu, on s’aperçoit que la bataille de Verdun n’a pas été seulement une tentative suprême de ruée sur Paris, un assaut sur un saillant supposé faible de notre front, un effort tardif pour reprendre les grands projets d’août 1914, une sortie de garnison assiégée, un essai de réconfort apporté à l’opinion allemande, une manœuvre sanglante en faveur des Hohenzollern, mais qu’elle est aussi « la bataille des minerais de fer. » Car Verdun et Nancy sont, du côté français, les portes qui y donnent accès, comme Metz et Thionville les défendent trop solidement du côté allemand. Nous refouler de Verdun, c’eût été nous ôter, pour longtemps, l’espoir de reprendre nos propres mines et, par conséquent, prolonger la gêne dont souffre notre métallurgie ; c’était plus encore nous enlever toute possibilité d’atteindre les mines allemandes, pourtant si proches, et détourner ce coup mortel que l’Etat-major allemand, très familier avec ces contingences économiques de la guerre, doit, par-dessus tout, redouter.


Je n’ai pas besoin d’insister sur le rôle du fer dans notre civilisation moderne, en temps de guerre comme en temps de paix. Nous vivons dans un âge de fer ; nos guerres sont un échange de fer à travers l’espace ; et nos batailles, prolongées pendant des années sur un même front, doivent apparaître aux habitans de la planète Mars, qui supposent peut-être tous les Terriens raisonnables, sinon comme des signaux destinés à frapper leur attention, du moins comme un moyen de créer, pour les générations futures, des gisemens de fer nouveaux, faits d’obus, de balles et de machines brisées. La France et l’Allemagne ne peuvent se passer de fer pour leurs canons et leurs projectiles. Les voies ferrées, les ponts, les convois d’automobiles accumulés à l’arrière du front consomment aussi du métal. Il en faut beaucoup aux deux nations. D’où le tirent-elles ?

Et d’abord, quelles sont les ressources en fer de la France ? Quelle a été l’évolution passée de leur emploi ? Quand j’ai traité le problème de la houille, j’ai pu causer une désagréable surprise à des lecteurs qui ignoraient l’acuité de notre pénible