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aussi ferme cher nos voisins que chez nous. En ce qui concerne les libéraux italiens, nous en avons une première preuve dans leurs sympathies très chaleureuses pour la France : rien de plus naturel, étant donnée leur orientation politique. Ce sont aussi des sympathies raisonnées, qui se fondent sur l’estime et même sur l’admiration. Ils proclament que, de toutes les nations belligérantes, la nôtre est la plus durement éprouvée, celle qui supporte le poids le plus lourd. Ils calculent que nos pertes en hommes, tout en étant beaucoup moins élevées que celles de l’ennemi, sont encore très considérables par rapport au chiffre de notre population, et que nos dépenses de guerre sont les plus fortes. En outre, ils constatent que nos plus riches provinces ont été dévastées ou envahies. Mais ils ont confiance dans notre avenir. Ils disent bien haut que notre attitude depuis la guerre nous a valu, dans le monde entier, un immense accroissement de prestige moral. Ils espèrent, après la paix, un relèvement de notre natalité et, par ailleurs, — Dieu les entende ! — une diminution de l’indiscipline syndicaliste et du parasitisme socialiste, en d’autres termes une réforme des mœurs et de la morale publique[1]. Enfin, ils estiment que, lors des règlemens de comptes, nous aurons droit à des compensations proportionnées à l’étendue de nos sacrifices.

A l’égard de la guerre elle-même, n’oublions pas qu’ils la soutiennent avec non moins de zèle que les nationalistes. Ils ont été des premiers à comprendre que l’indépendance politique de l’Italie exigeait son entrée en lice à côté des Alliés. Le plus important organe libéral, le Corriere della Sera, fut, pendant des mois, l’ardent propagateur du mouvement interventionniste, — et cela sans jactance, sans emballement, mais avec fermeté, décision, intelligence très nette des nécessités du moment, comme des problèmes de l’avenir.


On peut affirmer que ces sentimens représentent ceux de la nation tout entière. Tels sont du moins ceux de la très grande majorité. Quand on s’est bien convaincu de cette unanimité de l’ensemble, on n’attache plus qu’une très médiocre importance

  1. Cf., dans La Vita italiana du 15 avril 1916, un magistral article du professeur Maffeo Pantaleoni : Problemi italiani dopo la guerra.