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exemple, les minerais siliceux très abondans, les minerais arsenicaux très décriés ne trouveront pas un débouché économique ? Je ne me hasarde pas à rien prévoir ; je montre, au contraire, la difficulté des prévisions. Dans cette incertitude, il faut se rappeler que cinq francs de bénéfice assuré demain sont bien préférables, par le seul jeu des intérêts composés, à vingt francs de bénéfice problématique dans un demi-siècle.

Je crois donc qu’il y aurait danger à vouloir empêcher l’exportation des minerais : ce qui, d’après les observations précédentes, équivaudrait à restreindre l’extraction. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas chercher à retrouver, sous une autre forme, au moins partiellement, les bénéfices supplémentaires que nous devons renoncer à obtenir directement, faute de houille et faute de main-d’œuvre. Cette forme tout indiquée est celle des échanges. Les conditions dans lesquelles va reprendre l’industrie après des années de guerre seront très spéciales. On peut s’attendre à une sorte de protectionnisme fédéral qui coupera l’Europe en deux. D’une part, la communauté dus dangers et des sacrifices aura resserré nos liens d’amitié avec l’Angleterre ; d’autre part, nous serons sans doute en mesure de poser des conditions commerciales à l’Allemagne. Sachons en profiter. Puisque nous aurons trop de fer et trop peu de charbon, nous devons nous tourner, avant tout, vers l’Angleterre dont les besoins sont inverses. Il semble possible de réaliser en Angleterre, ce qui est malheureusement presque impraticable en France, une augmentation notable de l’extraction houillère par la mise en valeur rapide de réserves récemment découvertes. Quant au fer, l’Angleterre n’a été, jusqu’ici, qu’un acheteur presque insignifiant de nos minerais. En 1913, elle nous en a pris 327 000 tonnes (dont seulement 69 000 en Lorraine), quand la Belgique en prenait 5 035 000 et l’Allemagne avec le Luxembourg 4 065 000. Très conservatrice, elle s’est montrée rebelle aux procédés de déphosphoration qui ont envahi la sidérurgie sur le continent. Mais la guerre aura eu sans doute pour résultat de dissiper cette sorte de torpeur dans laquelle nos amis commençaient à s’endormir, et l’Angleterre réveillée, guérie de certaines chimères qui lui étaient communes avec nous, victorieuse enfin de l’Allemagne, a toutes les raisons pour reprendre, dans des conditions modernisées, l’essor interrompu de sa métallurgie.