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jour. En outre, l’habitude de discuter le pour et le contre, de peser lentement et avec défiance les témoignages les plus divers, finit par y engendrer une sorte de sophistique diamétralement opposée au but initial, qui est la distinction exacte et circonspecte du vrai. Enfin, tant d’intérêts divergens, tant dépassions hostiles et acharnées les unes contre les autres s’y entre-choquent en une mêlée continuelle, qu’on préfère les considérer en spectateurs amusés plutôt que de prendre parti entre les combattans. A tout le moins, on ne se presse pas d’intervenir et de se prononcer. Et, peu à peu, à force de temporiser, on en arrive au dilettantisme de l’inaction, et, parce qu’on se déclare étourdis par les criailleries incohérentes des adversaires, on se laisse aller à un scepticisme commode. On devient indifférens à tout ce qui n’est pas article de foi, et, comme me le disait un saint religieux, on perd, dans les choses humaines, la notion du bien et du mal.

L’intrigue germanique augmente encore ce désarroi des consciences. Tout est mis en œuvre : les flatteries, les promesses, les dons, « invincibles appâts ! » Qu’on se rappelle seulement la mission officieuse du prince de Bülow, et, pendant les mois qui ont précédé la déclaration de guerre italienne, quel lieu de délices et d’enchantemens était devenue la villa Malta. Aujourd’hui encore, l’indiscrète pression continue, si elle ne redouble pas d’intensité. À ces efforts obstinés de la propagande allemande, nous autres Français nous n’avons rien opposé jusqu’ici que de platoniques protestations. Nous nous plaignons que la vérité soit lente à pénétrer dans cet étrange pays. On m’assure qu’on ne demande qu’à nous y écouter. Le fait est que nous n’ouvrons pas la bouche, du moins officiellement. Nous n’avons même pas d’ambassadeur, non seulement pour défendre notre cause auprès du Souverain Pontife, mais pour arrêter, dans ces milieux mondains et cléricaux, l’avalanche de calomnies que nos ennemis ne cessent de précipiter contre nous. Seul, un personnage officiel pourrait organiser cette lutte de tous les instans contre le mensonge, par la diffusion méthodique des nouvelles et des idées, qui peuvent accroître en notre faveur la confiance et la sympathie. Et qu’on ne dise point que l’intérêt est médiocre pour nous ! La Rome catholique est un centre cosmopolite en relation avec le monde entier. Non seulement une foule d’étrangers viennent s’y faire