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une opinion, mais, par son magistère spirituel et moral, elle donne un mot d’ordre, qui est obéi par des millions de vivons. Cela vaut qu’on y réfléchisse. Si l’intérêt n’était pas considérable pour elle, comment s’expliquer que l’Allemagne, nation en grande majorité protestante, et d’ailleurs si positive et si pratique, remue terre et ciel pour conquérir l’amitié des milieux romains ? Aussi, les Allemands y tiennent-ils le haut du pavé ; ils y parlent en personnages consciens de leur force et de leur importance, tandis que la France y est humiliée. C’est cela qui nous attriste le plus, nous catholiques français, ne fût-ce que dans nos sentimens de patriotes, — cette diminution du prestige de la France aux yeux du catholicisme mondial. Courageusement, nos évêques essaient bien d’élever la voix. Mais la France n’est pas derrière eux. Tout est là. On les reçoit avec défiance et comme à regret, on les expédie comme des importuns. Sans défenseurs autorisés, ils sont obligés de souscrire à tout, de se résigner à la condition défavorable qui leur est faite. L’Allemagne, en cela, nous offre un exemple utile à méditer. Elle ne souffre pas que ses nationaux, quels qu’ils soient et à quelque confession qu’ils appartiennent, aient à baisser la tête n’importe où. Que ce soit à la cour du Pape, ou à celle du Mikado, un Français doit pouvoir parler librement et fièrement, comme il sied, quand on est le fils d’une telle patrie.

Je sais bien que les erreurs de notre politique antireligieuse sont, en grande partie, la cause de cette situation si préjudiciable à nos intérêts. Là, plus qu’ailleurs, on a gardé un long ressentiment de notre loi de Séparation, comme de notre loi sur les associations, avec leurs conséquences lamentables pour l’Église de France : la confiscation des biens et des établissemens ecclésiastiques, l’expulsion des Congrégations, la fermeture des écoles et d’une foule d’édifices destinés au culte ou à la bienfaisance. Je ne puis que répéter ici ce que j’ai déjà écrit dans mon enquête sur l’Espagne. Nos gouvernails, avec une intrépide ignorance du monde extérieur, ont pratiqué une politique de vase clos. Ils ne se sont pas demandé, avant de consommer la rupture avec l’Eglise, si ces procédés agressifs ne risquaient point de provoquer au dehors des répercussions fâcheuses et, pour commencer, s’ils n’allaient point nous mettre à des la majorité de nos voisins. Il est certain qu’à Rome ces procédés nous ont été particulièrement funestes et qu’ils nous