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un Institut espagnol était créé à Paris, la jeunesse studieuse des deux pays échangerait une hospitalité d’où seraient bannis les hasards. Plus la jeunesse devenue mitoyenne s’initiera ainsi à la langue, aux mœurs et aux œuvres des deux pays, plus elle y répandra la connaissance, la familiarité et le goût de leurs supériorités. Alors s’effaceront la plupart des préjugés que la rareté des rapports entretient entre les deux races. Sans doute cela est un début. Mais en amitié le plus difficile est de commencer, elle grandit ensuite toute seule. La porte à laquelle nous n’avions guère frappé depuis longtemps nous reste ouverte et hospitalière. Il dépend de nous, à la condition de n’être ni avantageux, ni inconstans, de reprendre notre place d’honneur au foyer de nos voisins.


A quoi bon ? objectera plus d’un sceptique. Il s’agit de mener une lutte contre le despotisme de l’Allemagne. S’il faut chercher les alliés pour le rude combat, pourquoi mettre au nombre des plus désirables l’Espagne, dont l’influence pèse peu dans l’opinion du monde ? N’est-ce pas à propos d’elle et de sa guerre contre les Etats-Unis que lord Salisbury distinguait « les nations vivantes et les nations mourantes ? » Ne la désignait-il pas, quand, après avoir salué comme les maîtresses de l’avenir celles qui « accroissent d’année en année leur puissance, augmentent leurs richesses, étendent leur territoire, perfectionnent leurs moyens d’action, » il prévoyait une fin rapide à celles qui, faibles, pauvres, dépourvues d’activité, se survivent ? Il est certain que l’Espagne n’est plus au nombre des premières par les activités fiévreuses et lucratives. Si cela est toute la vie, elle y assiste plus qu’elle n’y participe. Si un peuple compte par cela seul, elle ne compte pas. Quand lord Salisbury reconnaissait, comme les preuves de la primauté pour les peuples, le mouvement dans les marchandises, l’or et les armées, ce concept tout matérialiste de la puissance semblait en effet suffire. C’était l’époque où le vertige de la richesse attirait même la raison. Mais au nom de la doctrine acceptée par lord Salisbury, l’Allemagne réclame aujourd’hui l’empire du monde, et la conséquence est faite pour inspirer quelque doute sur la justesse du principe. Il est temps de remettre à la foule, comme le résidu stérile de nos crédulités maints sophismes tenus pour axiomes par notre époque. Il ne sera pas superflu de montrer à propos de l’Espagne