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des heures décisives, le caractère. Elle n’aura pas action seulement sur ses anciennes filles aujourd’hui émancipées, les Républiques de l’Amérique du Sud, encore soumises à sa langue et participantes de sa nature. Partout où se glisseraient les lassitudes et les lâchetés, elles rougiraient sous son regard, et, devant son attitude, les autres peuples trouveront moins difficile le courage qui lui semblera si naturel. Qui garderait rancune à ces vertus de sa croyance ? Si l’Espagne déchoit d’elles, c’est qu’elle aura laissé dissoudre ses énergies dans les contagions du scepticisme. Qui souhaiterait qu’à ce prix elle devînt le plus actif et le plus riche des peuples ? L’unité d’inspiration qui règne dans la conscience, les actes, les mœurs, l’art et les vertus de l’Espagne vaut bien la plus symétrique abondance dans les tonnes de houille et les balles de coton.

Ce n’est pas que les balles de colon soient méprisables. On s’est volontairement borné dans cette étude à mettre en lumière la force intime de l’Espagne, celle sur laquelle nous pouvons compter davantage et qui doit être le plus ménagée par nous. Mais à la plus religieuse des races même s’applique ce que l’Evangile enseigne en d’autres termes : l’homme ne vit pas seulement de toute parole qui sort de la bouche de Dieu, il vit de pain. Rien n’est plus important pour nous, si nous voulons accroître nos intimités avec notre voisin, que de collaborer avec lui dans la mise en état de son pays. Pour l’Espagnol, la vie quotidienne a ses exigences, bien que tempérées par sa modération naturelle ; lui aussi désire une existence moins précaire, ou moins rude, ou plus brillante. Ce désir, tenace et silencieux comme les passions profondes de l’Espagnol, se manifeste par un réveil progressif du travail et des changemens continus dans l’aspect des contrées. On multiplie les essais de culture ; près de la canne à sucre, la betterave s’est plantée et avec tant de succès qu’elle étend de plus en plus au Nord ses vastes champs. Beaucoup d’usines gâtent pour le voyageur et enrichissent pour l’habitant les admirables régions de l’Ebre et du Guadalquivir. Toutefois, à cause d’une certaine inertie dans la volonté et dans la bourse, l’Espagne a besoin de collaborateurs pour cette mise en valeur de sa richesse encore latente. Les mines sont nombreuses qui attendent des exploitans ; il ne manque au sol, en certaines régions, pour être fertile, que l’eau, et les montagnes d’Andalousie, les plus hautes d’Europe après les Alpes, ont