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la mobile s’est distinguée comme toujours. » (15 octobre.) Le spectacle du haut des remparts ne suffit pas à Aubert. Il trouve aussi moyen de sortir de Paris et d’aller quelque peu errer aux avant-postes.

« J’ai voulu voir un peu au-delà des fortifications et j’ai demandé un permis de circulation pour me rendre à Courbevoie, au-delà du pont de Neuilly ; de là, j’ai poussé jusqu’au chemin de fer de Saint-Cloud, dernière limite, que les francs-tireurs seuls peuvent dépasser. Je les voyais tirer dans les vignes sur les sentinelles ennemies. J’avais devant moi Bezons occupé par nos grand’gardes ; Colombes à droite, Nanterre à gauche ; c’est seulement au-delà de la Seine que les Prussiens sont en forces ; tout est bien gardé, la ligne, les mobiles, la cavalerie, gardant toutes les issues ; de bonnes batteries sont établies sur le chemin de fer. Du reste le Mont-Valérien domine toute cette plaine, qu’il tient sous son feu meurtrier. J’oubliais : je vous dirai que, pour gagner le pont de Neuilly, j’avais fait un détour par l’avenue de Madrid et le bois de Boulogne ; toute l’avenue de Madrid est crénelée de barricades. Le bois de Boulogne est en bon état de défense, protégé par les canonnières, et surtout par de formidables batteries établies dans le bois, et surtout à Auteuil et à Boulogne ; le château de Saint-Cloud fumait encore ; ce n’est plus qu’un amas de décombres. On entend à chaque instant des coups de fusil que les sentinelles échangent d’une rive à l’autre. Toutes ces maisons de Neuilly vides, ces belles demeures qui entourent le Bois fermées ou crénelées, ce silence précédant la lutte, tout cela serre le cœur. Mais il ne faut pas s’attendrir ; c’est l’heure des grands sacrifices et des résolutions viriles ! Grâce à Dieu, la France surprise et trahie n’a pas succombé dans la première heure ; les Prussiens verront beau jeu. » (16 octobre.)


Voici une autre expédition bien plus aventureuse.

« On m’avait beaucoup parlé des Hautes-Bruyères. J’ai voulu voir par mes yeux où en étaient les travaux. Je suis sorti par la porte d’Italie, et comme un gendarme m’avait barré le route à la hauteur de Bicêtre, je me suis rendu à l’hôpital occupé militairement depuis la guerre, et la bonne chance a voulu que le général de Maudhuy, qui commande la brigade, fût précisément le père d’un de mes élèves. Muni d’un laissez-passer, j’ai franchi les postes qui environnent le fort et, après vingt minutes