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gouvernement ; c’est pour s’en entendre définitivement avec vous, c’est pour nommer un préfet que notre cher Picard [ministre de l’Intérieur] part ce soir. Je vous supplie de le retenir le moins possible. Nous en avons besoin ici, où, d’un moment à l’autre, un incident peut se présenter. En réalité, nous avons tous besoin les uns des autres, et tout ce qui divise ou affaiblit notre faisceau tourne contre l’intérêt général. C’est pourquoi j’ai jeté mes cris de détresse, comme les apôtres de l’Evangile : « Seigneur, sauvez-nous, nous périssons ! »

La Garde nationale est en pleine insurrection : elle obéit à un comité central que nous ne pouvons faire arrêter. Elle pille les fusils, les canons, les obusiers, les munitions. Jusqu’ici, ce désordre a eu pour prétexte la résistance aux Prussiens. Voici les Prussiens partis. Ce serait donc contre le gouvernement que ces forces désordonnées sont préparées. Je ne vois pas toutefois dans quel intérêt prendre l’Hôtel de Ville ou les Affaires étrangères peut être une tentation. D’abord, elle n’est pas absolument facile à satisfaire, puis où mènerait-elle ? MM. Blanqui et Millière sont audacieux, mais pas tout à fait sots. Victorieux, ils seraient honnis par la population et ils le savent, attaqués et battus par la province et ils s’en doutent. Mais beaucoup disent que leurs séides n’y regardent pas de si près et qu’ils auraient un grand goût à installer la Commune, ne fût-ce que pour une heure et même à se donner un peu de pillage, pour célébrer la retraite de l’ennemi. J’avoue n’en avoir pas bien peur, ce qui n’empêche pas que la situation ne soit très trouble, très dangereuse et ne demande un prompt remède. A mon sens, voici ce qu’il faut faire :

Nommer un préfet et un secrétaire général ; un préfet de police ; présenter d’urgence une loi qui, à titre provisoire, ordonnera la nomination d’un Conseil municipal par- arrondissement : l’électeur devra être domicilié à Paris au moins depuis un an ; remettre en vigueur la loi du 17 mai 1819 et celle du 26 mai sur la Presse ; rétablir le cautionnement et le timbre comme taxe de guerre ; transférer de suite la Chambre à Paris, si elle s’y refuse à Saint-Germain, préférable à Versailles ; à Versailles, si Saint-Germain est repoussé ; à Fontainebleau en désespoir de cause ; nommer de suite aux ambassades de Vienne et de Madrid, à la légation de Bruxelles.

Je m’arrête. Il est cinq heures. Voici les intendans qui