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parachever l’unité allemande. La massive façade de l’édifice bismarckien dissimulait une mosaïque de législations diverses : Lieber, conducteur du Centre, accepta la « patriotique » besogne de présider à l’unification juridique de l’Allemagne. De par Bismarck, l’Allemagne n’avait plus qu’une armée, qu’une diplomatie ; de par la commission que Lieber fit travailler, elle n’eut qu’un code, elle n’eut qu’un droit, et ce triomphe suprême de l’idée de centralisation acheva, pour le peuple allemand, l’histoire du XIXe siècle. Mais où donc était le vieux particularisme de Windthorst ? Où donc cet ancien parti pris du Centre de « ne sacrifier l’autonomie des États particuliers et leur droit de se gouverner eux-mêmes que dans la mesure où les intérêts de la collectivité l’exigeaient absolument[1] ? » Où donc, enfin, la préoccupation d’assurer à ces divers États une certaine intégrité des coutumes, une certaine indépendance des disciplines ? Le nouveau Code civil nivelait toutes ces diversités. Windthorst avait barré la route aux audaces de l’idée unitaire ; Lieber, lui, la leur ouvrait toute grande.

Avec son équipe de gens du Centre, il était l’industrieux contremaître qui, dans la bâtisse fraîchement achevée, s’occupait de cimenter encore les moellons, et de consolider les fondemens, et de surveiller les craquemens ; mais d’un geste discourtois, la Ligue évangélique et ses promoteurs berlinois continuaient d’exhiber sur la façade l’écriteau malveillant, l’écriteau d’ostracisme : Empire évangélique. A vrai dire, les pouvoirs officiels s’abstenaient désormais de cette formule ; mais lorsque le Centre, périodiquement, présentait au Reichstag la motion dite de tolérance, destinée à libérer le culte catholique des entraves surannées qu’il rencontre encore dans certains petits États de l’Empire, le Reichstag regimbait.

Le Centre acceptait, d’une humeur placide, cette défaite de principe, que régulièrement il subissait ; son opportunisme cherchait des consolations, et les trouvait. Avec Lieber comme pilote, il était devenu, peu à peu, parti de gouvernement : il semblait que cela commençât de lui suffire. Il aimait ce prestige nouveau, qui lui valait de n’être plus qualifié de parti ennemi de l’Empire. Se voyant reconnu comme une demi-puissance par la haute bureaucratie, il se flattait, avec une vanité toute neuve,

  1. Article 1 du programme du Centre (1871).