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IX

Voilà deux années, bientôt, que se prolongent et s’aggravent ces complaisances étranges qui tendent à faire de la théologie la servante de la politique, et d’une politique de proie. On ne remarque pas qu’en lace de ces courtoisies excessives la Ligne évangélique se soit relâchée de son hostilité. Les suggestions de paix religieuse que développait dernièrement un théologien protestant d’Erlangen, M. Bachmann[1], ne trouveront assurément dans les conseils de cette Ligue aucun écho. Ne faisait-elle pas imprimer, au dernier mois de décembre, le discours médiocrement prophétique, mais éminemment significatif, par lequel le surintendant Brüssau, à la veille de la guerre, avait annoncé le commun triomphe de l’Allemagne et de Luther ? Ce discours avait été un sou filet pour toute la fraction catholique de l’armée allemande : les catholiques furent péniblement surpris de voir que la Ligue évangélique en multipliait l’écho. Le professeur Dunkmann, en 1915, publiait dans une revue protestante un article qui faisait espérer aux catholiques que, pour lui tout au moins, l’équation entre germanisme et protestantisme avait cessé d’exister ; mais les voici tout déçus, en 1916, parce que, dans un certain manifeste sur l’avenir du protestantisme, il affirme que ce n’est que par le « principe de civilisation protestante » que les puissances centrales pourront être victorieuses ; et l’un d’eux, qui me fait l’honneur de penser à moi en lisant M. Dunkmann, avoue naïvement que je pourrais bien trouver eu ces pages de quoi me repaître (neue Nahrung)[2]. Mais non, je ne m’en repaîtrai point, non plus que de tant d’autres, plus acerbes, où se révèle une passion si violente, que la Gazette populaire de Cologne se laisse aller, elle-même, à d’anxieux pronostics :


Une telle passion, dit-elle, peut nous donner un avant-goût des luttes intensives après la guerre. Il est nécessaire que, du côté positif et chrétien, on se prépare dès maintenant aux chaudes luttes décisives qui nous attendent après la guerre avec la plus grande certitude[3].

  1. Allgemeine Evangelisch-lutherische Kirchenzeitung, 21 et 28 janvier 1916.
  2. Allgemeine Rundschau, 29 avril 1916, p. 298.
  3. Koelnische Volkszeitung, 15 mars 1916.