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Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 34.djvu/856

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Après cela, la correspondance est plus brève, moins fournie de détails ; il parait clairement que l’optimisme, désormais, représente à l’esprit un devoir plus qu’une opinion. La formule en revient brève, nette, très noble : « Personne ici ne songe à désarmer. Cette résolution inébranlable de Paris est-elle d’accord avec vos désirs, et voulez-vous la paix ou la guerre, c’est ce que nous ne voulons pas démêler. Dans les épreuves morales, alors qu’on ne peut pas s’entendre et se concerter à son aise, il suffit qu’à distance chacun fasse son devoir. Marcher devant soi est toujours la vraie route : on y retrouve ses vrais amis. »

C’est le ton de toutes les lettres.

Autour de la Noël, les combats furent très douloureux : un froid sibérien sévit pendant quinze jours. Il n’empêche pas notre curieux Parisien d’aller jeter un coup d’œil en banlieue :

« J’ai assisté à la bataille de mercredi des hauteurs de Belleville. Notre artillerie a fort malmené les Prussiens. C’était un feu roulant. Vous auriez été émerveillés comme moi du dévouement de tous. Malheureusement, l’attaque du Bourget n’a pas réussi, et quelques compagnies, entre autres un corps de marins, ont été fort éprouvées. Le lendemain jeudi, rien à signaler. La journée de vendredi s’est passée par un froid glacial. Pas un coup de canon du côté des Prussiens. On les voyait massés au Blanc-Ménil, deux grandes lignes noires, et en avant une série de pelotons échelonnés sur la côte, tout cela immobile comme des soldats de bois. De notre côté, on s’évertuait à travailler la terre pour ménager contre le Bourget une attaque moins périlleuse couverte par des tranchées profondes ; mais le sol est si dur que nos braves amis n’avançaient guère. Cependant, le fort d’Aubervilliers, le fort de l’Est et la batterie de la Courneuve tiraient sur les Prussiens, et au mouvement de leurs lignes qui, de temps en temps reculaient, il était facile de penser que notre tir les inquiétait.

« Le lendemain samedi, j’ai pu sortir de Paris, et je suis allé coucher à Aubervilliers. J’ai visité nos batteries établies dans la plaine et je me suis approché à cent mètres des travailleurs à cinq cents mètres du Bourget. Nos travailleurs avançaient lentement, mais sans être inquiétés. A la Courneuve, j’ai vu les fameuses locomotives blindées et nos batteries de marine. Mais tout sentiment de curiosité cédait à la profonde tristesse