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opposent Roussky, lequel vient de remplacer Kouropalkine : ne pouvant plus faire un dieu Thor du maréchal à la statue de bois, la Mitteleuropa se décide à en faire son dieu Terme. Au-dessous de Loutsk, lorsque est franchie la frontière de Galicie, on se trouve dans les limbes, dans le royaume vague et mouvant où l’archiduc Charles fait des gestes d’ombre, où Hindenburg n’exerce qu’un droit de regard et de conseil, où se débattent les Kœwess et les Bœhm-Ermolli. Quatrième et cinquième centres d’activité : la zone de Stryj et de Stanislau, à l’Ouest de Bouchatch ; la zone de Delatyn, de Kouty et des passes de Jablonica, dans les Beskides, à l’Ouest de Kolomea et de Czernovitz. Résumant la situation sur ce front de mille à douze cents kilomètres, si, pour flatter le goût tudesque, on figure par un colosse l’armée austro-allemande, il n’est pas excessif de dire qu’au Sud, dans ses parties autrichiennes, le colosse a les pieds coupés, et, sinon encore les reins, au moins les membres rompus.

D’autant plus que l’isonzo n’est pas plus favorable aux Austro-Hongrois que le Stokhod, et que Cadorna ne leur est pas plus clément que Sakharow,Trhebatchew, Kaledine ou Letchitsky. L’otTensive italienne sur le Carso est une riposte magistrale à l’offensive autrichienne sur le plateau des Sette Comuni, avec cette différence que l’attaque des archiducs s’est ressentie de ce qu’elle était au fond, une « manifestation, » tandis que le mouvement de Cadorna se révèle comme l’objectif même d’une guerre nationale aussi bien que comme un acte essentiel de la guerre européenne, et se déroule comme un projet mûri. Ainsi que l’offensive anglo-française et l’offensive russe, ainsi que l’offensive allemande contre Verdun et l’offensive autrichienne du Trentin d’autre part, ainsi que toutes les offensives prises par nous ou par nos adversaires depuis deux ans, l’offensive italienne partie en courant, décochée en flèche, s’est, après le premier bond, non point arrêtée, mais ralentie. Dès que Göritz, — nommons-la désormais de son nom italien, Gorizia, — a été enlevée, l’action s’est comme enfermée dans un vaste demi-cercle dessiné autour de la ville et qui, par derrière, l’enveloppe du Sud-Ouest au Nord-Ouest. Avant d’aller plus loin, le général Cadorna canonne les hauteurs qu’on appelle les Trois Saints, San Gabriele, San Daniele et San Marco, et une quatrième, le Monte Santo ; il tient déjà la cinquième, dont le saint est une sainte, Santa Caterina. Il lui faut avoir maîtrisé tout le cours de l’isonzo, pour se lancer, sans péril, sur les routes qui s’offriront ensuite à son choix, celle de Trieste par le littoral, et celle de Laybach, par la vallée du Wippach, rebaptisé le