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canons, les fantassins et les cavaliers, éclatemens innombrables des obus, flammes des grands incendies. Et comme l’on comprend, du haut de cette terrasse, à quel point il est indispensable, essentiel, que notre division tienne bon ! »

Elle tiendra. L’état-major de la division, en se retirant et pressé sans doute de soucis plus immédiats, avait oublié à Mondement les pauvres civils jetés par un caprice de la Providence au milieu de cette tornade de feu. Mais le château continuait à servir de caserne aux soldats, qui s’efforçaient, gentiment, de rassurer leurs hôtes. Quand la fusillade crépitait un peu trop près, ils leur expliquaient que c’étaient « nos lebels » qui tiraient. D’ailleurs, le bombardement s’était apaisé ; le gros de l’orage semblait passé. « Les Allemands doivent être repoussés, écrit l’abbé Robin le soir du 7. Du moins, nous le pensons. » Cet optimisme devait recevoir un rude coup dans la nuit, mais, en ce moment, il n’avait rien de déraisonnable. Si l’ennemi avait pris les Broussy, nous continuions d’occuper Reuves, Oyes, et nous étions toujours les maîtres de Bannes, d’où un détachement du 90e (commandant Jette), dans l’après-midi, tentait, par les marais, un coup de main sur Aulnizeux : le commandant Jette[1], le lieutenant de Vareilles-Sommières et une trentaine de leurs hommes étaient tués, le capitaine Rome blessé ; le reste se repliait sur Bannes, où l’ennemi ne le poursuivait pas.

À la vérité et dès l’origine, il semblait avoir voulu négliger ce passage, bien que, de Bannes à Fère-Champenoise, il n’y ait guère plus de 6 kilomètres en ligne directe, préférant, pour marcher sur Fère, emprunter la grande route qui passe, à Morains et qui se rapproche insensiblement de la voie ferrée. Mais ses progrès sur cette partie du front n’étaient pas encore très sensibles.

Presque partout, devant la ferme attitude de nos troupes et malgré l’entrée en jeu de leur artillerie lourde, défilée vers Clamanges, les Allemands « avaient été obligés de suspendre leur marche en avant [sur Fère]… Nous étions restés les maitres du champ de bataille[2]. » Le vallon de la Pleure, le passage à niveau de Normée avaient été le théâtre, dès le 6, « d’une lutte épouvantable » qui se poursuivit, le 7, « dans les

  1. Après la retraite allemande, oa le retrouva « la tête criblée de balles. »
  2. Lettre d’un aumônier militaire dans l’Éclair du 17 février 1913.