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d’autres pays se prononceraient sans doute, s’ils avaient à craindre d’être forclos. Dès qu’il s’agira de l’armistice, cette question se posera : car, qui dictera l’armistice dictera la paix ; qui signera l’armistice sera protégé par l’armistice même. C’est une première et très importante sélection. Les premiers traits de la figure de l’Europe nouvelle commenceront à se dessiner là.

Parmi les gouvernemens et les peuples belligérans, certains seront admis, certains seront exclus. Pour être admis aux délibérations, il faudra, d’abord, manifester une volonté franche et sincère d’y prendre part. S’éliminera qui voudra s’éliminer.

Quand les négociations du traité de Westphalie s’ouvrirent, la question des participans se posa cinq années avant la conclusion de la paix. Le cardinal Mazarin prit grand soin de rappeler aux États secondaires de l’Allemagne l’intérêt qu’ils avaient à se prononcer et à faire connaître s’ils demandaient leur admission. Car, faisait-il observer, qui s’excluait maintenant serait exclu par la suite. « Les villes, écrivait-il, par exemple, au magistrat de Colmar, doivent poursuivre d’être admises à l’assemblée générale de Munster pour assister et opiner comme il leur est permis par les lois de l’Empire, au traité de paix qui s’y doit conclure… Etre reçues dans cette assemblée, comme il leur appartient et comme elles doivent le désirer, ou en être exclues, comme nos ennemis le prétendent, est un point décisif de la conservation ou de la perte de leur liberté. »

De même, et à peu de chose près, dans la même forme, se posera, dès le début des pourparlers, la question si grave de l’unité ou de la multiplicité des représentations pour les États composant l’Empire allemand. L’Empire allemand, aujourd’hui comme en 1643, compte des États qui ont gardé les principaux privilèges de la souveraineté, et notamment une certaine autonomie de leur armée et même de leur diplomatie. Ces États sont la Bavière, la Saxe, le Wurtemberg, le duché de Bade, la Hesse, etc.

Même dans l’état de choses actuel, ces États peuvent être considérés comme des États souverains. Leibnitz définit les conditions d’un État souverain : « Quelque juridiction que l’on reconnaisse (par exemple celle de l’Empire), quelque hommage ou obéissance que l’on doive à un supérieur, tant qu’on a le droit d’être maître chez soi, jus propriæ potestatis, et que ce