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supérieur n’a pas celuy de tenir des garnisons ordinaires chez nous et de nous oster l’exercice du droit de paix, de guerre et d’alliance, on a la liberté requise à la souveraineté, et lorsqu’on a assez de puissance pour faire figure dans les affaires générales, on est appelé souverain ou potentat[1]. » Et il semble que l’on puisse encore appliquer aux temps présens la parole de Leibnitz au sujet de l’ancien Empire : « J’avoue ingénument que l’Empereur et l’Empire ont un très grand pouvoir sur les princes, mais je soutiens que cela ne détruit pas la liberté ni la souveraineté, pourvu qu’on prenne toutes ces choses dans un sens raisonnable[2]. »

D’ailleurs, la question sera tranchée par les États allemands eux-mêmes : voudront-ils être admis aux délibérations ou en être exclus ? Comme belligérans, ils seront convoqués à signer l’armistice pro parte sua ; s’ils s’y refusent, ils encourront la peine de leur abstention et seront tenus en dehors des préliminaires. Ne figurant pas dans le premier acte de la paix, ils ne seront pas invités à figurer aux actes suivans. Par simple refus, ils auraient accepté leur déchéance politique, militaire, diplomatique, ils auraient renoncé à présenter leur propre défense et à expliquer dans quelle mesure ils pourront entrer dans les différentes combinaisons européennes qui seront établies ultérieurement. Résolution grave, à une heure où le sort des peuples sera en passe d’être fixé pour longtemps.

Les États confédérés allemands ne sont pas des vassaux. Ils ont de vieilles traditions, qu’ils ne peuvent pas répudier d’un cœur léger, à cette heure où l’avenir du monde se décidera. En tout cas, l’Europe a tout intérêt à les saisir de la difficulté : le cas de conscience serait ainsi celui de l’Allemagne elle-même.

Mazarin termine sa lettre aux États secondaires de l’Empire par un petit apologue : « Ces villes peuvent juger ce que l’on dirait d’un malade pour lequel il se trouverait un médecin si généreux qu’il ne voudrait pas seulement prendre la peine de le traiter, mais qu’il le voudrait encore traiter à ses dépens, si le malade n’osait témoigner le désir d’être guéri ni se prévaloir des remèdes qui lui auraient été préparés pour cet effet. »

Pour être admis, il faudra donc manifester la volonté de

  1. Œuvres, édit. Foucher de Careil, t. VI, p. 376.
  2. Ibid., p. 371.