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profit de notre budget national. Il faut mettre les choses au point, et se méfier des comparaisons qui ne sont pas raisons. Il faut d’abord noter qu’à la différence de notre nouvel impôt sur le revenu, l’income tax n’est pas un impôt de superposition ; les revenus qu’elle frappe ne sont frappés par aucun autre impôt direct annuel de l’Etat. Il faut se rappeler ensuite que le revenu total du Royaume-Uni était évalué il y a deux ans par M. Lloyd George à 2 400 millions sterling par an, soit environ le double du revenu annuel des Français, et que cette estimation a été récemment portée à 3 milliards sterling par sir G. Paish. à raison des progrès de la prospérité depuis la guerre. Enfin, il faut observer que la répartition de ce revenu national entre les différentes classes de population est fort différente en Angleterre de ce qu’elle est chez nous. L’Angleterre a proportionnellement beaucoup plus que nous de revenus moyens et surtout de gros revenus. Elle avait, en 1913, environ 1 100 000 revenus de plus de 160 livres (4 000 francs), représentant ensemble 900 millions sterling (22 milliards et demi de francs) ou 40 pour 100 environ du revenu britannique total ; or chez nous, M. Ribot estimait en dernier lieu à 310 000 seulement le nombre des revenus passibles du nouvel impôt global, soit de plus de 5 000 francs, et le total de ces revenus à moins de 6 milliards, soit de 20 pour 100 du revenu total de la France[1]. Bien que les statistiques ne soient pas exactement rapprochables, on voit assez la différence du classement des revenus en deçà et au-delà de la Manche. Elle est plus marquée encore si nous considérons les revenus supérieurs. En 1909, l’Angleterre comptait 11 380 revenus de plus de 5 000 livres (125 000 francs), faisant ensemble un total de 140 millions sterling (3 milliards et demi de francs), soit 7 pour 100 du revenu national britannique alors évalué à 2 milliards sterling ; en France, un document officiel ne relevait en 1907 que 3 400 revenus de plus de 100 000 francs, ensemble 572 millions, soit 2 et demi pour 100 du revenu national français estimé alors à 22 milliards et demi[2]. La disproportion est évidente, comme aussi cette conclusion que, toutes choses égales d’ailleurs, l’income tax appliquée aux

  1. Bernard Mallet, op. cit., p. 435. — Exposé des motifs du projet de loi relatif aux crédits du 3e trimestre 1916.
  2. Bernard Mallet, op. cit., p. 486. — Tableau publié par M. Caillaux, ministre des Finances, en 1907, à l’appui du projet d’impôt sur le revenu.