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présentaient aux armées, non point seulement au nom de l’obéissance, mais avec un besoin d’offrande, avec un désir d’immolation, qui devait leur coûter, durant les vingt-sept premiers mois de la guerre, cent dix victimes environ.

Les prêtres des plus anciennes classes servaient généralement dans les hôpitaux, dans les ambulances ou dans les trains sanitaires ; plus jeunes, en vertu des lois de 1906 et 1913, ils portaient le fusil. Des immunités canoniques existaient, qui libéraient le prêtre du métier des armes ; elles étaient moins un privilège que la sanction de l’obligation pesant surtout ministre de l’Évangile d’être un homme de paix. Mais l’Église accepta, comme une situation de fait, l’abrogation de ces immunités par les lois de l’Etat, et sans autoriser ses clercs à prendre volontairement les armes, parce que, « représentans du Christ sur la terre, ils doivent être, comme lui, des modèles de douceur, » elle les autorisa, — d’une autorisation qui était un geste, — à remplir les devoirs militaires que les lois leur imposaient. Les plus âgés, tendant leurs bras sous le poids des brancards ou leur des sous le poids des blessés, n’eurent à verser que leur propre sang ; les plus jeunes, baïonnette au canon, eurent à verser aussi le sang de l’ennemi. L’Église préférait la destinée des premiers. « Y a-t-il moins de générosité, demandait le cardinal Sevin, à mourir le bras désarmé, sans se défendre, qu’à succomber les armes à la main ? » Mais après avoir maintenu que théoriquement l’immunité des clercs est supérieure à toutes les règles humaines, le cardinal disait à ses diocésains : « Il en coûtait aux prêtres, en cet âge où la foi diminue et où ses prescriptions ne sont plus comprises que d’un petit nombre, il leur en coûtait de vous laisser seuls soutenir le poids du combat. Vous les avez jetés dans la mêlée ; vous verrez qu’ils y soutiendront dignement l’honneur de l’Eglise et le drapeau de la France. »

La Pénitencerie maintenait, en principe, que le prêtre qui blesse, que le prêtre qui tue, encourt une « irrégularité » canonique incompatible avec l’administration des sacremens et la célébration de la messe, et qu’après la guerre il devrait recourir à l’autorité compétente pour s’en faire relever. Mais, tant que dureraient les opérations militaires, la Pénitencerie suspendait les effets de cette irrégularité, en permettant au prêtre-soldat de faire office de prêtre. Les consciences sacerdotales étaient dès lors à l’aise, — à l’aise pour se dévouer. « Votre paroisse