Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 36.djvu/501

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aujourd’hui, expliquait aux ecclésiastiques de Reims le cardinal Luçon, c’est le régiment, c’est la tranchée, c’est l’ambulance, c’est le cantonnement, c’est le train sanitaire, c’est le dépôt ; aimez-la. Donnez-vous à elle comme à celle que vous avez quittée ; sans cesser d’aimer celle-ci, consacrez-vous à faire du bien à celle-là, avec toute votre foi, avec tout votre cœur… Vous y resterez peut-être. Et nos soldats n’y restent-ils pas ? Ne convient-il pas que la phalange sacerdotale, elle aussi, donne de son sang pour la patrie ? » — « Donnez à vos frères d’armes, insistait de son côté le cardinal Amette, l’exemple d’une constance que rien n’ébranle ni ne lasse. »

On avait, de longues années durant, cherché des méthodes nouvelles, — ou bien anciennes, très anciennes, — pour rétablir le contact entre le prêtre et le peuple ; mais l’Etat, d’avance, sans le vouloir peut-être, avait concerté la plus admirable des méthodes : la mobilisation. « Loin de nous plaindre aujourd’hui de cette violence faite à toutes nos traditions, déclarait le cardinal de Cabrières, nous y voyons une intention providentielle qui mêle plus intimement tous les élémens de la société contemporaine. » La formule : Le prêtre dans sa sacristie, et la formule : Les curés sac au dos, étaient les fruits du même esprit et s’attardaient sur les mêmes lèvres ; mais les hommes proposent et Dieu dispose ; entre les deux programmes de vie qui découlent de ces deux mots d’ordre, il y a contradiction. La première formule isolait le prêtre du peuple, mais la seconde, au contraire, l’y replongeait ; elle inaugurait, quoi qu’on voulût, suivant les mots d’un prêtre du diocèse de Valence, une « camaraderie très spéciale et très savoureuse entre le prêtre et le peuple. »

A la base de cette camaraderie, il y a de la gaieté : personne autant que le prêtre ne rit du danger ; la paix de l’âme, fait joyeux visage à la mort. « Nous voilà baptisés, il ne manque plus que la confirmation, » écrit un missionnaire d’Afrique qui vient de faire connaissance avec les marmites. Un vicaire blessé veut revenir au front pour « faire expier aux Boches l’insulte qu’ils ont faite à son bras ; » un Jésuite éborgné parle de son « locataire Vise à droite, faisant fonction d’œil droit, tombé au champ d’honneur, » et s’écrie avec entrain : « J’ai fait les choses gaillardement, en Jésuite. »

A la longue, et parfois tout de suite, ces prêtres qui se