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Rappelons les paroles du soldat tombé en combattant : « Les horreurs de la présente guerre doivent conduire à l’unité européenne. » Pour répondre au vœu des morts et des martyrs, c’est cette unité qu’il faut, cette fois, réaliser.

Voyons ce que, dans la pratique et dans la tradition historique, peuvent nous apporter les précédens.

Le traité de Westphalie qualifiait deux Puissances, la France et la Suède, comme « garantes » des libertés germaniques ; nous avons dit ce que ce privilège avait d’abusif et de suspect aux yeux des populations allemandes. Mais, n’en serait-il pas tout autrement, si c’était l’Europe entière qui assumât cette « garantie ? » Et n’est-il pas juste qu’elle ait un droit de suite dans les affaires de l’Allemagne, centre et pivot de son propre équilibre et de sa propre sécurité ?

En 1814-1815, les « quatre » Puissances victorieuses avaient signé un pacte qui, pendant cinquante ans, maintint la paix : eh bien ! les « quatre » Puissances magistrales de l’Europe nouvelle, les « quatre » qui ont sauvé la civilisation et qui ont, au prix des plus énormes sacrifices, mis les menottes au militarisme allemand, ont un devoir qui se prolonge et une responsabilité survivante à la guerre. Elles sont les gardiennes et, dans toute la rigueur du terme, les « gens d’armes » de la paix. Une alliance conclue entre ces quatre Puissances, — et qui inclut naturellement les États qui furent leurs compagnons d’armes, — assurera les forces nécessaires pour que, dorénavant, toute tentative de suprématie militaire soit refrénée. Il suffirait, pour ainsi dire, d’appliquer textuellement aux circonstances nouvelles le fameux article des « garanties » du traité de Westphalie : « Seront tenus tous les contractans de défendre et de maintenir toutes et chacune des dispositions du traité… Et s’il arrive qu’aucune de ces dispositions soit violée, l’offensé tâchera premièrement de détourner l’offensant de la voie de fait, soit en soumettant le fait à la composition amiable, soit par la voie de droit. Mais si le différend n’a pas été réglé par aucun de ces moyens, chacun des contractans seront tenus de joindre leurs conseils et leurs forces à ceux de la partie lésée et de prendre les armes pour repousser l’injustice. »

Ainsi serait constituée, pour la première fois, une force européenne apportant une sanction permanente aux décisions des accords de droit, — force qui a manqué jusqu’ici et qui, en