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malaisément certains préfets courageux. Les curés, en faisant souscrire, s’exposaient à entendre dire qu’ils cherchaient maintenant à prolonger la guerre : et cela a été dit. Mais cette autre rumeur, qui voulait être infamante et qui n’était qu’infâme, vient d’être couverte par la voix même de l’Etat. « Dans cet emprunt comme dans les précédons, a déclaré M. Ribot, ministre des Finances, le 9 novembre 1916, le clergé français s’est honoré en apportant spontanément, quand le Gouvernement ne lui demandait rien, sa contribution, ainsi que son concours le plus complet et le plus énergique. »

Le témoignage est formel, il atteste le souci permanent qu’eut l’Eglise de France de remplir tout son devoir envers l’État et de conformer, ainsi sa conduite aux exigences de l’Union sacrée. Et sous aucunes plumes peut-être, la nécessité de cette Union et de, son maintien après la guerre n’est affirmée d’une façon plus pressante que sous certaines plumes épiscopales. « L’effrayante mêlée qui confond dans les rangs de l’armée les âges, les aptitudes, les carrières, les fonctions publiques et privées, écrit le cardinal de Cabrières, produira une union, une unité nationale, plus belles, plus puissantes que jamais, et dans lesquelles s’épanouiront à nouveau les qualités qu’il a plu à Dieu de donner à notre race, relevées encore par des ambitions plus nobles et plus généreuses. » Et le cardinal désire que ses prêtres ne craignent pas de « faire entrevoir aux autres Français, dans ce qui se passe en ce moment, l’image de ce que ferait la France, si l’Union sacrée exigée par la guerre, et acceptée si loyalement par tous les bons citoyens, se perpétuait après la paix. »

« L’Union sacrée, dit, de son côté, Mgr Péchenard, évêque de Soissons, s’inspire de la nature elle-même : elle n’est pas autre que celle des enfans d’une même famille. Réjouissons-nous de ce que ce principe fondamental de toute société ait été de nouveau reconnu et acclamé parmi nous. »

L’Église maîtresse d’ordre, d’un ordre fondé par la justice, sait qu’à la faveur d’un tel ordre l’union règne ; et dans les hommages qu’elle rend à l’Union sacrée, il y a plus et mieux qu’une tactique politique du moment, il y a toute une morale sociale, et toute une doctrine séculaire, visant à la concorde civique par l’harmonie des âmes.


GEORGES GOYAU.