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Roi et l’activité de ses pourparlers avec l’Allemagne et l’Autriche, pourparlers auxquels il se livrait par ses moyens personnels et sans que son gouvernement y prît part, il les dissimulait à force de mensonges et d’assurances bienveillantes, prodiguées sans mesure et en toutes occasions.

Le 15 août, alors que le traité germano-bulgare est déjà signé, il fait écrire à un Français, par le chef de son cabinet politique, une lettre dans laquelle sont célébrés la vaillance et les progrès des armées alliées et où ce fonctionnaire, porte-parole de son souverain, se félicite de leur excellent état. Dans la même lettre, il exprime l’espoir que les Russes, « dont les défaites ne changent pas beaucoup à la situation en général, » reprendront bientôt une offensive victorieuse. Il y affirme enfin que la Bulgarie ne sortira pas de sa neutralité avant que la Grèce et la Roumanie lui aient donné l’exemple.

Ce n’est pas le seul témoignage de duplicité qu’on peut relever contre le tsar des Bulgares. Lorsqu’il parlait de la neutralité de la Roumanie et de la Grèce, il négligeait de dire qu’il avait obtenu de Berlin et de Vienne l’assurance que cette neutralité se prolongerait. Il était alors convaincu que l’Allemagne serait victorieuse. Pour l’en convaincre et pour lui démontrer la nécessité de se déclarer d’urgence s’il voulait être appelé à participer aux bénéfices de la victoire, l’empereur Guillaume lui avait envoyé à Sofia le duc Jean-Albert de Mecklembourg dont l’insistance et l’habileté avaient eu raison de ses hésitations. Puis, par les soins de ce négociateur, l’accord qui assurait à la Bulgarie toute la rive droite de la Maritza et la gare d’Andrinople avait été ratifié par les Turcs et avait fourni un gage pacifiquement obtenu de sa politique et qu’il pourrait faire valoir aux yeux de son peuple. Cet accord était ratifié dans la première quinzaine de septembre, et, le 21 du même mois, le Roi, qui hésitait encore, était contraint par les instances de l’Allemagne et de l’Autriche de préparer la mobilisation de son armée.

Pour la faire accepter par les populations, on leur donnait l’assurance qu’il n’était pas question d’une guerre nouvelle, toutes les Puissances ayant accordé à la Bulgarie le droit d’occuper la Macédoine, mais il fallait être prêt à tout événement. La reconstitution de l’unité nationale exigeait ce sacrifice : avant deux mois, les mobilisés seraient de retour dans