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Il va, laissant loin derrière lui les îles de Porquerolles et du Rêvant, nuages mauves bientôt dissous dans la lumière. Une atmosphère de fête, la joie du matin pascal nous pénètre malgré nous. Chacune rêve de travailler, de dévouer ses forces et son âme à la place qui va lui être assignée et dans le rôle qu’elle assumera.

Ces femmes qui m’entourent, si diverses par l’âge, le caractère, les habitudes de la vie antérieure, ont fait leurs preuves. Celles du bord, pour ne citer que celles-là, sont, très modestement, les collaboratrices infatigables des médecins qui savent les utiliser et qui les estiment selon leur mérite. Le médecin-chef, l’excellent docteur B…, a été le premier, parmi ses confrères, à demander quelques dames de la Croix-Rouge, pour son bateau. L’honorable corps des médecins de la marine n’est pas précisément féministe. Je n’ignore pas que sur tel ou tel bâtiment, les infirmières n’ont pas été très désirées, très encouragées ou très regrettées après leur départ. Il y a des médecins qui conservent des préjugés et des infirmières qui conçoivent faussement leur mission. Les premiers sont quelquefois injustes, les secondes sont insupportables. Je crois pourtant que, dans l’intérêt des malades, — le seul qui compte ! — les médecins peuvent tirer un très bon parti de la collaboration féminine. Il suffit que chacun soit à sa place et que l’infirmière se contente de la sienne, qui est toute subordonnée et toute modeste ; les préjugés du médecin, s’il en a, tomberont bien vite.

Le docteur B… se déclare très satisfait de l’expérience qu’il a faite. Sur le S…, les relations des médecins et des infirmières sont exactement ce qu’elles doivent être, correctes et cordiales. Les infirmières embarquées, par décision du ministre, sont traitées comme des officiers subalternes, au point de vue de la nourriture et du logement. Elles ont une bonne cabine et prennent leurs repas dans le carré, à une table particulière. Leur tâche consiste surtout en surveillance, en soins moraux, et elles ne doivent pas, en principe, faire des pansemens ou assister aux opérations. Cela s’explique par la formation même du personnel infirmier de la marine qui, contrairement au personnel infirmier, de la guerre, est composé de spécialistes, exercés dès le temps de paix, et ne se recrute pas, au petit bonheur, parmi des réservistes auxiliaires. Les infirmiers des régimens, dont le dévouement est indiscutable et la mission