dépravée et « la lubricité » de l’autre. Le cardinal parut sincèrement indigné. « Il se piquait, dit Marmontel, de maintenir les bonnes mœurs, » et « ce n’était pas encore parmi les financiers un luxe autorisé que celui des maîtresses publiquement entretenues[1]. » Dans les Nouveaux Mémoires du duc de Richelieu, on lit aussi, à ce propos, cette phrase caractéristique de l’époque : « Le cardinal de Fleury n’ignorait pas que les fermiers généraux ne pouvaient s’enrichir qu’aux dépens de l’Etat ; il voulait du moins que ce fût dans les règles, avec décence, avec convenance. »
Lorsque, peu après cette conversation, La Pouplinière vint sans défiance solliciter du cardinal ministre ses bontés pour le nouveau bail, Fleury, à brûle-pourpoint, l’interrogea sur le compte de Thérèse des Hayes[2]. « Qui est-ce donc ? lui demanda-t-il. — C’est, répondit La Pouplinière, une jeune personne dont j’ai pris soin. » Sur de nouvelles questions, il ajouta qu’elle était fille d’un « comédien auteur, mort chrétiennement » depuis plusieurs années, et fit l’éloge de son esprit, de ses talens, de son éducation. « Et pourquoi donc ne l’épouse-riez-vous pas ? » reprit le cardinal qui, sans pitié pour l’embarras où il voyait son interlocuteur, poussa vivement sa pointe. Il était, lui affirma-t-il, très aise « de tout le bien » qu’il lui entendait dire d’une jeune personne qu’on lui avait déjà « chaudement recommandée. » Tout le monde, au surplus, parlait d’elle de même sorte. Elle n’avait, à coup sûr, cédé que par faiblesse et après promesse de mariage. Pourquoi donc « prolonger au-delà des convenances une situation fausse ? »
La Pouplinière, de plus en plus troublé, essaya de nier l’engagement ; mais Fleury le prit de plus haut : « Vous l’avez abusée, et sans vous elle aurait encore son innocence. Il faut réparer ce tort-là. C’est le conseil que je vous donne, et ne tardez pas à le suivre, sans quoi je ne puis rien pour vous. » Le cardinal, dans sa chaleur, alla-t-il jusqu’à déclarer que « l’intention du Roi » était que la place dans les fermes fût attribuée à « l’honnête homme » qui épouserait la jeune fille compromise ? Marmontel le rapporte ; mais un tel argument n’était pas nécessaire pour achever de gagner la cause. La Pouplinière, en prenant congé du ministre, lui affirma qu’il ne