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que, bon gré mal gré, elle viole tous les jours, puisque cette neutralité, destinée à sauvegarder les intérêts du peuple américain, sauvegarde fatalement, du même coup, les intérêts des seuls peuples avec qui nous ayons à cette heure la ressource de commercer par mer, c’est-à-dire les Alliés. Et nous autres, l’Amérique non officielle, ou même anti-officielle, nous n’en persisterons non plus que davantage à remplir de notre mieux notre pur devoir d’hommes envers les nations qui, la vôtre à leur tête, défendent au prix de leur sang les raisons d’être de l’humanité. Vous le voyez, je me rends en France. Je ne m’estimerais pas un avocat digne de ce nom, si sa cause, qui est celle du droit et du juste, ne m’était sacrée. C’est un sentiment que vous aurez constaté, j’en suis sûr, chez tous ceux de mes confrères dûment Américains que vous avez eu l’occasion de rencontrer.

M. Allen ne jugea pas utile de me révéler quel était l’objet précis de son voyage. Mais, six mois plus tard, les journaux français publiaient une adresse américaine qui se terminait ainsi : « Tout ce que nous avons fait dans le passé, tout ce que nous pourrons faire dans l’avenir ne sera qu’un acompte sur la dette de reconnaissance que nous avons contractée envers la France, dette que l’histoire n’éteindra jamais. » Dans la liste des signataires figurait, avec cette mention suffisamment explicite : « Vice-président du Comité de secours aux Alliés, » un Frederick Allen, très proche parent, ou je me trompe fort, de mon discret compagnon de traversée, l’ancien préposé à la collecte des fonds électoraux qui devaient envoyer M. Wilson à la Maison Blanche.

C’est dire que, pour aider au triomphe « du juste et du droit, » les avocats américains savent joindre l’acte à la parole. Il est vrai que leurs paroles, à elles seules, sont déjà des actes, et de beaux actes, riches de conséquences, quand elles tombent, par exemple, de la bouche particulièrement autorisée d’un James Beck, ou qu’elles s’inscrivent en traits acérés sous la plume nerveuse, et comme toute trempée d’ironie française, d’un Coudert. Je ne me suis jamais trouvé en situation d’entendre les discours de M. Beck, mais avec quel frémissement d’aise j’en recueillais l’écho, le long de mes étapes souvent nostalgiques ! Dernièrement encore, au banquet offert à notre ambassadeur, M. Jusserand, pour fêter la date anniversaire de