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nationale déclara que « jamais elle n’avait eu l’intention d’enlever aux citoyens les ministres du culte établis par la Constitution civile. »

Était-ce un succès ? L’argent était sauf, mais rien de plus. La Convention jetait l’insulte en continuant l’aumône. Un jour, comme Lequinio, député du Morbihan, lui présentait un livre qui, sous ce titre : les Préjugés détruits, combattait jusqu’à la notion de Dieu, elle ne se contenta pas d’accueillir l’ouvrage, mais lui imprima son estampille en lui accordant une mention honorable. Un autre jour, elle toléra qu’un représentant, qu’on appelait Jacob Dupont, confondit dans un même anathème toutes les formes religieuses. « Il est plaisant, dit-il, de voir, en une république, préconiser une religion monarchique. Quoi ! les trônes sont renversés, les sceptres brisés, les rois expirent ; et les autels des dieux sont encore debout ! »

Les curés prêtent l’oreille. Ils ont jadis raillé les insermentés, les jugeant timides, se croyant eux-mêmes novateurs ; et voici que d’autres novateurs, autrement hardis, englobent tous les prêtres, ceux de l’ancienne discipline, ceux de la discipline nouvelle, dans la même proscription. Ils s’agitent en leur presbytère, subissant les mêmes angoisses que ceux que jadis ils ont remplacés. Tristement, avec une sorte de pressentiment du temple bientôt fermé, ils célèbrent les fêtes de l’hiver, la fête de la Toussaint, la fête de Noël, puis cette fête de l’Épiphanie nommée jusque-là fête des Rois. Ils souhaiteraient de se terrer, ils ne le peuvent pas. Chaque dimanche, une requête qu’ils voudraient fuir, qu’ils ne peuvent éviter, les attend. Le procureur-syndic, avant la messe, leur communique les décrets, proclamations, nouvelles, et les invite à les lire au prône. L’invitation est un ordre. Ne sont-ils pas officiers du culte, fonctionnaires salariés, privilégiés à ce titre et, à ce titre aussi, asservis ? Donc ils montent à l’autel, récitent, suivant la liturgie de l’Église, des prières de miséricorde. Ils se dirigent vers le livre des Évangiles ; ils y lisent, le jour de la Toussaint, le sermon des Béatitudes, pendant l’Avent les paroles de Jean le Précurseur, dans la nuit de Noël le mystère de Jésus dans la crèche. Et tandis que leurs lèvres prononcent les saintes paroles, tandis que leur esprit les pèse et les recueille, une terreur les étreint. Devant eux, les actes publics sont étalés ; et voici que,